C’est bien mon petit. Tu as plein de livres. Bravo. Et en plus tu les as tous lus. Respect. Tu as une belle bibliothèque pour les ranger. Bonheur. Mais tu ne sais comment procéder ? Je suis aussi passé par là. Viens donc reposer ta main sur l’expérience tigresque, la seule qui compte. Voilà. Ne me remercie pas tout de suite.
Bien organiser son temple des livres
Avant de commencer la leçon, quelques mises au point :
D’une part, imagine Le Tigre comme un professeur présomptueux absolument persuadé du bien-fondé de ce qu’il avance. AUCUNE voix discordante ni remise en question ne sera tolérée. D’ailleurs, je vais continuer de te rudoyer, de te tutoyer afin que ta prise de conscience soit rapidement modelée.
D’autre part, tu trouveras ici quelques menues photos de ma bibliothèque personnelle. J’aurais pu t’abreuver de fantastiques lieux, d’endroits oniriques avec des rayons de livres où la mesure de référence est le kilomètre et les couvertures de cuir sentent bon les tunes et l’antique. Toutefois ce serait te mentir, et je préfère m’ouvrir pour toi, lecteur chéri, en te donnant un aperçu de mon intimité. Bon, je ne vais pas te bullshiter plus longtemps, j’ai quelqu’intérêt à faire ainsi péter les images :
Premièrement, en distillant une poignée de photos de mes ranges-livres, je t’oblige à dérouler le présent billet jusqu’au bout. Et c’est excellent pour mes statistiques. Du reste, dis-toi que, étant donné que je réorganise parfois mon bouzin, il n’est pas impossible que d’autres images se greffent au présent billet – en clair : je t’en supplie, reviens sur ce billet tous les six mois au moins.
Deuxièmement, il y a un jeu de séduction évident à étaler ainsi ma force de frappe littéraire. Non seulement il en va de ma crédibilité en tant que blogueur attaché au format papier comme un vieux con, mais j’espère bien que tu vas gravement baver sur ton clavier ou ton écran jusqu’à provoquer un court-circuit, te contraignant à écrire mon auguste nom sur la déclaration de sinistre à l’attention de ton assureur.
Troisièmement, je compte bien garder cet article et ses illustrations sur le coude en cas de litige m’opposant à l’État. Comme beaucoup de citoyens peu désireux de lâcher la majorité de leurs biffetons aux éditeurs plutôt qu’aux artistes, le fauve a des pétabits de données numériques qu’il n’a pas toujours (hum) légalement acquis. Même s’il y a prescription depuis longtemps, il n’est pas à exclure une cabale prochaine contre ton serviteur. Ce sera à cet instant que les milliers de livres achetés pourront servir ma cause, avec une défense bancale du style « mais monsieur le juge, ce n’est pas totalement du piratage, je ne suis qu’un modeste corsaire qui, généralement, ne vole pas les artistes. »
Cela étant dit, passons aux choses sérieuses : d’abord je taperai la discute sur la nature des bouquins qui intéressent le présent article, ensuite comment gérer entre le visuel et l’organisation, avant de te décrire par le menu à quel point ma biblio est bien foutue.
Du nombre et du genre des livres
Tiens, voici la moitié de mes romans de SF – millésime 2013. Cette illustration permet de pointer le doigt sur une des particularités des éditeurs français exploitée par Le Tigre : tout ce qui ressemble de près ou de loin à de la science-fiction est de couleur gris clair – ça commence à changer d’ailleurs. D’où la fameuse « étagère argentée » où il range méthodiquement les Asimov et autres Orson Scott Card.
En outre, tu as certainement remarqué que le numéro de cet article en appelle d’autres. En effet, le félin a tellement de choses à enseigner sur l’art des bibliothèques que tout bazarder dans un unique billet me prendrait trop de temps. C’est pourquoi je me suis ici limité à quelque chose de bien précis :
Déjà, il n’est question que de romans. Les bandes dessinées et comics prennent tellement de place et ont une hauteur telle que le félin a mis en place des étagères qui leur sont dédiées – et feront donc l’objet d’un autre billet. En outre, à de rares exceptions près, mélanger romans et bandes dessinées est tout simplement à proscrire. Pire qu’ajouter du curry sur un Paris-Brest. Cela nique autant l’équilibre visuel que la logique d’un meuble qui aura le cul littéraire coincé entre deux chaises – sans jeux de mots.
Ensuite, il n’est question que d’un seul format de bouquins : les poches. Je t’ai déjà expliqué la préférence du Tigre pour ce format (en lien), et notamment pourquoi les titres à 30 euroyuans (autant de centimètres de haut) ont un rapport place/utilité (et putain je ne parle pas du prix) qui est un scandale chaque jour reproduit. L’avantage en ne foutant que des « petits » romans est triple :
1/ Avec les meubles d’une certaine marque scandinââve, y’a totalement moyen d’aligner deux rangées de romans sur la même hauteur. Tu peux alors placer au fond, en toute discrétion, les daubes que tu es sûr de ne plus relire – ou que tu souhaites cacher au cas où ton rencart accepte de prendre un « dernier verre ».
2/ Avec cette même marque comme d’autres, tu peux jouer sur la hauteur des étagères et maximiser sur le nombre de romans à caser – 8 niveaux en mode « pas-de-prise-de-tête-mathématique » pour une bibliothèque de 1,8 mètres de haut.
3/ De loin, ça fait mastoc et harmonieux (pour peu que tu suives le reste de mes conseils), c’est la classe internationale. Alors qu’avec de lourds albums qui s’intercalent entre tes petits poches, ça pique surtout les yeux – et le porte-monnaie accessoirement.
Enfin, le nombre. Si tu as une pauvre centaine de romans à ranger, pas besoin de te faire chier à me lire. Mon expérience m’a appris qu’à partir de 500 tu commences à sérieusement baliser sur l’organisation. Cela m’est arrivé en 2008, je m’en souviens comme si c’était hier : j’ai alors su que je ne pourrai échapper à l’odieuse tétralogie 1/ location de bagnoles 2/ exploration d’un magasin collé à une bretelle d’autoroutes 3/ montage qui prend toute l’après-midi et 4/ écharde dans le pied droit.
En l’état actuel de mon inventaire (billet rédigé au printemps 2015), je dois avoir près de 6 000 trucs littéraires dans mon antre. Toutes tendances confondues – dont les magazines et notices (en plusieurs tomes) de l’Airbus A380.
La moitié sont des romans de poche, soit plus de 3 000 petits pavés immaculés. Sans me vanter, la technique que j’utilise est parfaitement adaptée : c’est comme ce blog, y’a rien à changer. Toutefois, j’ai bien peur qu’au-delà de 5 000 bouquins, d’autres techniques soient plus adéquates. Sans compter que je ne suis guère certain que mon système tienne aussi bien la route au-delà de cette bandante limite des cinq milles – à ce titre, je décline naturellement toute responsabilité si tu ne t’y retrouves plus.
Comment donc correctement trier tout ce petit monde ? Par l’ordre des lettres du prénom de l’auteur, par collection, par couleurs ou au hasard le plus complet ?
Des couleurs et des collections des romans, et une poignée d’alphaordre
La première connerie qui pourrait passer à l’esprit est de consciencieusement classer ses chers objets par ordre alphabétique. Ce sont des manières de bibliothécaire de municipalité perdue dans la Lozère, autant te dire qu’il faut laisser cette option de côté – tu ne veux pas habiter dans un lieu pareil, crois-moi. Tu n’es pas un professionnel de la littérature ou du rangement qui doit classer ses objets selon la numérotation Dewey et donc as le droit (l’obligation même) de faire comme il te chante.
A l’inverse, un bordel, même organisé selon tes propres critères ésotériques, risque fortement de donner l’impression de contempler un carnaval de travestis avec Madame Boutin à leur tête.
Selon moi, il y a deux aspects avec lesquels tu devras jongler : ta biblio doit être visuellement satisfaisante tout en étant correctement agencée. Et couper la poire en deux est loin d’être évident. Avant de poursuivre, un petit détail d’harmonie : les livres se disposent verticalement. Non mais parce que je vois parfois des inconscients qui les empilent comme des tablettes de chocolat, et ça me rend dingue. A la rigueur tu en mets 3 ou 4 pour caler le reste de ton étagère, mais ne t’avise pas faire plus.
Concernant l’organisation / l’agencement, je te disais que l’ordre alphabétique comporte de nombreux risques. Au premier rang duquel un flagrant déséquilibre si par exemple tu te mets à acheter tous les romans de Thierry Jonquet et ceux de Jean-Claude Izzo : bam!, des dizaines d’ouvrages rangés au même endroit (lettres proches obligent), donc t’obligeant à décaler toute une partie de ta collection. Au surplus, si tu te mets en tête de foutre des doubles rangées tellement tu as de romans, y’a des auteurs qui seront définitivement cachés – tu vois où je veux en venir hein…
Ainsi, il te sera certainement utile de D’ABORD classer tes romans selon un autre critère PUIS les ranger par ordre alphabétique. Mais quel paramètre choisir ? Pour l’instant, j’en vois deux de valables – la couleur n’en est pas un, pas plus que le prix.
A/ Le classement par éditeur. Mouais, après tout le logo sur la couverture sera le même de A à Z. Et cela te forcera, par un subtil jeu de diplomatie, à ne pas te procurer tes ouvrages auprès de la même maison d’édition et ainsi saupoudrer tes largesses sonnantes et trébuchantes aux différents acteurs culturels. Il m’est aussi plus d’une fois arrivé d’aller me fournir exclusivement auprès de telle ou telle maison pour faire obstacle au monopole qui naissait dans ma bibliothèque en devenir. Mauvaise idée dans la mesure où la plupart des auteurs que j’apprécie ne tapinent auprès que d’un éditeur, qui de facto squatte la tanière féline – me concernant, le responsable fut pendant longtemps Gallimard et ses nombreuses succursales.
B/ Le classement par genre. Faut reconnaître que c’est assez finement pensé, à condition que tu attaches au terme « genre » une définition pas trop dégueulasse. Livres-que-maman-aime-pas ou bouquins-qui-font-moins-de-280-pages ne sont pas des genres. Faut rester sobre : policier (thriller, ça veut rien dire), classique (à partir de quelle date est-ce le cas ?), poésie, romans autopubliés, merde fais comme tu veux. Avec ce système, y’a fort à parier que les auteurs se côtoient en bonne intelligence et que tes étagères ne prennent pas la forme d’une cour des miracles littéraire.
De la bibliothèque idéale…
…est celle du Tigre, évidemment.
Je ne dis pas ça pour me faire mousser, mais à chaque fois que je la contemple je manque de m’évanouir en raison du brusque afflux du sang qui quitte ma tête pour rejoindre le bas ventre. En outre, ce n’est pas tant l’allure qui me ravit que la facilité avec laquelle j’arrive à retrouver n’importe quel titre qu’on me demande. Devrait y avoir des concours pour ça d’ailleurs.
L’agencement tigresque est excessivement simple : je mets dans une même armoire le même éditeur, et fais en sorte que les couvertures noires ou colorées sont en bas – et donnent l’impression de « soutenir » les frêles ouvrages de blanc vêtus. Comme par un fait exprès, ces romans de couleur sombre sont des polars ! Ainsi, trois bibliothèques alignées présenteront la littérature dite « classique » en haut, et le reste du monde en-dessous.
Puis, pour chaque collection d’un éditeur déterminé, je me cantonne à l’ordre alphabête, avec quelques petites exceptions (cf. infra).
Je t’avoue qu’il y a quelques ratés dans ma technique, néanmoins rien d’insurmontable. La faute aux éditeurs infoutus de garder leurs auteurs dans la durée, ce qui fait que certains sont dispatchés aux quatre coins de la rose des ventes (six). Voire des auteurs qui réussissent à se trouver partout : par exemple, Dan Simmons a un bail sans cesse renouvelé dans mon armoire à SF, tout comme chez Folio Policier, J’ai Lu et même Folio « normal ». Même souci avec Maurice G. Dantec.
Je vais terminer par le meilleur : mes chers livres sont répartis sur deux rangées. Alors quoi mettre derrière ? Deux options :
1/ Les auteurs-fleuve qui écrivent à tire-larigot avec une régularité de métronome, le résultat étant que leurs productions peuvent facilement dépasser le demi-mètre dans une bibliothèque. Nothomb, Riri-Manu Schmitt, San-Antonio (lui c’est le pire), Patterson, Stephen King, Nanard Werber, etc.
2/ Les merdes dont j’ai légitimement honte – je ne livrerai pas de noms, tu peux respirer Marc.
Sans pointez du doigt quiconque, quelques écrivaillons parviennent à remplir ces deux conditions. Pourquoi donc garder ces bouses ? Parce que, outre le fait que la bibliothèque a l’air bien gavée, ces romans demeurent invendables et inéchangeables.
Bibliothèse
Finalement, je me rends compte que je n’ai aucun conseil à te donner : fais comme tu le sens, et surtout continue à enrichir ta bibliothèque. Échange des bouquins, donnes-en, achètes-en, voles-en (je t’explique comme faire ici), bref fais-la vivre. Il n’y a rien de plus désolant de contempler un meuble où tu supputes que rien n’a été déplacé depuis des mois – à part une étagère remplie de Catherine Pancol.
Quant au numéro du Sutra, j’ai pris pour exemple la bibliothèque la plus connue en ce bas monde, à savoir celle d’Alexandrie. Si les historiens se branlent le melon pour déterminer la date de sa destruction, celle du début de sa construction pose moins de soucis : c’était en 288 – avant Jicé, hein. On va dire que le « 2 » fait référence au web 2.0. Et voilà.
Quant aux bibliothèques idéales de comics/BDs/romans graphiques ou de magazines, laisse moi le temps d’affuter mes arguments.