Depuis le temps que Le Tigre dévore sans broncher les histoires un peu niaises de nos héros franco-belges du 20ème siècle, j’ai enfin trouvé ma petite revanche. Une parodie d’un célèbre reporter à peu près bien foutue, voilà de quoi correctement se marrer. Si vous n’en avez rien à foutre de la critique et préférez lire tranquillement la BD, RDV au bas du billet.
Il était une fois…
Tintin et ses potes s’emmerdent sévèrement au château depuis que Hergé est décédé. Ajoutez la cave inondée et les réserves de whisky au plus bas, Haddock n’est pas franchement jouasse. Mais c’est sans compter la femme de Séraphin Lampion qui débarque en leur demandant de trouver son mari. Elle suppute (choix du verbe intentionnel) que son époux a découvert l’amour en Thaïlande. Leur promettant de rembourser leurs faux frais, direction le premier avion.
Critique de Tintin en Thaïlande
Vous vous en doutez, Baudouin de Duve (son « nom d’artiste » étant un peu gros) a eu quelques mésaventures juridiques lorsqu’il a décidé, au début des années 2000, de sortir cet irrévérencieux album. Oser coucher sur papier les aventures de Tintin dans un environnement très sexuel (même si ça reste suggéré, à peine soft), chapeau.
Tout est presque bon dans cette bande dessinée : Bud E. Weyzer, non content d’avoir repris les canons du genre, s’est lâché dans les références aux albums du journaliste à la houpette : le général Alcazar encore détrôné qui tient un bordel à Chiang Mai, la nouvelle copine de Lampion qui ressemble à l’ex-femme de ce dernier, Tchang en ladyboy (comprenez, il a été sauvagement violé par le Yéti),…retrouver les protagonistes dans de telles configurations détone avec l’idée construite autour de l’univers originel.
Allez, on peut bien trouver quelques défauts dans ce désopilant pastiche ? Tentons : premièrement, le dessin certes correct fait, à la longue, mal aux yeux (à moins que ce ne soit la lecture sur écran). Le noir et blanc, un peu gras, fait qu’on s’éloigne de la ligne claire d’Hergé, même si l’allure des personnages est respectée (à part sans doute la Castafiore, en mode Desireles avec son groupe de rock pseudo lesbien).
Deuxièmement, quelques délire de Beaudoin vont, à mon sens, trop loin pour que le lecteur suive. A la rigueur, parler du Chateau d’Utroux (12 ans d’âge, dont 2 de cave) fait méchamment sourire, mais lorsqu’il s’agit de références typiquement belges ou la fameuse recette de lapin de la mère Lampion, ça gave à la longue.
Troisièmement, il y a ce qu’on nomme le « syndrome Jean Roucas » (ce n’est pas de moi cette expression, et c’est bien dommage) : les blagues initiales passent, néanmoins après quelques planches la surdité de Tryphon T. ou les salopes thaïlandaises sont plus que redondants. L’artiste s’est fait plaisir, et ne pensait sûrement pas que son oeuvre allait rencontrer un tel succès (les ayant droits y ayant grandement contribué).
Au final, Le Tigre qui est parfois bon public s’est quand même régalé. Voir Milou baiser avec chat, Nestor être dépucelé (devinez par qui ?), Tournesol enchaîner les gonzesses, ou encore apprendre que Tintin est asexué (on s’en doutait), ça touche une partie de mon cerveau qui se réjouit de ce foutage de gueule généralisé. Les plaisanteries les plus courtes étant les meilleures, le format de 60 pages paraît hélas long.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Le thème le plus important concerne la manière dont les successeurs d’Hergé ont « verrouillé » les personnages de leur aïeul. Le « quatrième mur » de la BD est régulièrement franchi, notamment la société Moulinzouave qui tente de s’assurer que Tintin reste bien dans les clous. Les passages où le responsable de cette institution manque de s’étrangler en écoutant les rapports d’un espion sur place (celui-ci faisant la tournée des putes) au sujet des pérégrinations des héros sont savoureux à souhait. On ne pouvait mieux penser comme critiques sur les personnages appartenant à l’auteur (contrairement à ceux des comics).
Cette BD est l’occasion de « découvrir » un nouveau pays, le Siam. Les ping-pong shows, les catins ricanant non-stop, la gueuse de Séraphin qui s’avère être un Kathoi (un travesti), les touristes peu portés sur les visites culturelles, quel beau tableau ! Je plaisante. Au bout du compte il est certainement dommage que l’auteur ne se soit intéressé qu’à cet aspect de Bangkok et ses environs, ramassis de brèves de comptoirs de mâles adipeux qui ont visité le pays.
Toutefois, je me dis que Weyzer a fait cela intentionnellement, comme pour souligner que non seulement il n’a pas peur de verser dans le burlesque, et à l’instar du grand Hergé il n’hésite pas à y aller de ses menus préjugés.
…à rapprocher de :
– Les parodies ou vilains pastiches de Tintin sont légion, je ne sais pas lesquelles signaler en priorité. C’est là que vous pouvez m’aider.
– Vous trouverez quand même les vraies aventures de Tintin sur l’impérial blogue, par exemple L’île noire ; Le Sceptre d’Ottokar, Le Lotus bleu ; Les Sept Boules de cristal ; Le Temple du Soleil ; Tintin au pays de l’or noir ; Les bijoux de la Castafiore. Dans l’ordre s’il vous plaît.
– Quitte à faire sérieux, voici les albums Tintin préférés du Tigre dans un Dodécatora.
Enfin, Tigre est bon avec vous : voici, en lien, la BD disponible en téléchargement sur le glorieux site. [Attention, ça pèse plus de 10 mégabittes]. Avis aux détenteurs de droits (de Duve ou SA Moulinsart) : merci d’envoyer au Tigre un gentil mail de réclamation avant de sournoisement pointer les scud vers son hébergeur.
Recueil de textes d’un écrivain anonyme et passablement dérangé, voici de quoi passer de fortes vilaines nuits. Certes il y a de tout dans Chair et Tendre, toutefois le lecteur très attentif saura y déceler une logique malsaine qui sait fouiller les tréfonds de ce que l’Homme sait faire de pire. A consommer certainement avec modération.
VO : Detective Files #759-762 et Catwoman #1-4. Il m’arrive trop souvent de laisser (temporairement) de côté le Chevalier noir pour suivre quelques aventures de ses potes. Avec Brubaker, c’est une Catwoman moderne et touchante que le lecteur découvrira. Peu de prises de risques hélas, presque du papa dans maman.
Il est plutôt rare que Le Tigre se procure une fiction française sans attendre sa sortie poche, mais Jean-Mi ne m’a point fait regretter ce geste. En suivant un pré-ado dans un club au fond d’un bar peuplé de personnages savoureux à l’historique assez lourd, c’est tout un pan de l’histoire abordé avec intelligence et une pointe d’humour qui est à portée.
Le Tigre pose deux secondes son bouquin, prend une cagoule de séparatiste nivernais et compte vous expliquer, par le menu, comment chaparder avec classe un livre dans votre magasin culturel préféré. Afin d’éviter quelques exploits d’huissiers (les seuls dont ils sont bien capables), je vous rappelle que ceci est une expérience de pensée. Ne reproduisez pas ce billet chez vous.
VO : Batman:the Return of Bruce Wayne [logique, pour une fois]. Premier tome de Morrison décevant, deuxième superbe, troisième presque catastrophique, quatrième tome passable, et cinquième plus que mitigé sans rattraper le tout. Exercice d’imagination certes subtil, mais excessivement complexe à saisir. N’est pas bat-fan qui veut.
Une auteur auto-éditée qu’une maison d’éditeurs sans scrupules a pris sous son aile, c’est trop beau pour être vrai. Fallait que je constate cela in vivo. Merdum calamitumque, je n’ai pas pu aller au-delà du deuxième tiers. Incrédulité face aux protagonistes, souffrance due à un style plat et bourré de lieux communs, presque un gâchis. Michel Lafon rejoint le podium des éditeurs à la vue basse et court-termiste. On l’applaudit ensemble.
VO : idem. Une bonne demie-douzaine de nouvelles made by le maître de l’onirique dérangeant, toutes écrites au milieu des années 50 (1954 pour être précis). Hélas, Dick aborde des sujets sur le voyage dans le temps (et ses paradoxes temporels) avec une légèreté et un manque de surprise parfois décevants. Mais, à ce niveau d’écriture, il faut bien trouver quelque chose à redire.
VO : Penguin : Pain & Prejudice TPB [sais pas ce que ces trois derniers termes signifient]. Oswald Cobblepot, aka Le Pingouin, enfin star d’un comics ! Sa jeunesse, son ascension, ses pensées les plus intimes, ses procédés, sa petite amie même, c’est du bonheur. Couleurs un peu trop sombres hélas, sans doute à l’image du personnage.
L’encycatpedia traitera de TOUT, qu’on se le dise. Tigre revêt une céleste robe de doctorant et vous instruit sur le tatouage sur soi d’un félin. De surcroît, en vue de démontrer que c’est une vilénie que d’avoir un tel tattoo, j’invoquerai même le très guilleret Freud et le consanguin mais néanmoins respecté Toutankhamon.
Le Tigre connait surtout Maalouf pour avoir lu quelques de ses essais, toutefois en abordant ce roman il appert que l’aspect historique est bien prégnant. En suivant les péripéties d’Omar Khayyam, homme complet s’il en est, c’est toute une civilisation et une époque que le lecteur découvrira. Une belle gourmandise littéraire.
VO : idem. Premier roman du grand Irvine Welsh (sauf erreur du Tigre), voici un titre d’exception qui vaut autant le coup d’œil que son adaptation sur grand écran (dont je parlerai peu, littérature oblige). Hilarant ou dramatique, servi par un vocabulaire « parlé » mais chiadé, bref le roman générationnel des années 90.