Louis Lepetit - 42 mois de tranchéesQuarante-deux mois à guerroyer dans des trous de trois mètres au plus de profondeur. Trois ans et demi dans un enfer froid d’acier et de bruit. L’horreur de la guerre dans ce que celle-ci a de plus pur, la transcription de tels souvenirs devrait être d’utilité publique. Un témoignage sobre, sans fioritures et qui glace plus d’une fois le sang.

De quoi parle 42 mois de tranchées, et comment ?

André Tinel, filleul de Louis Lepetit, est tombé sur le journal de guerre de son parrain. Après mûre réflexion, il a décidé de le publier tel quel. Quatre années de guerre, de Houtkerque, Ancerville, Verdun en passant par Pitry-la-Ville ou Bayon, le soldat a pu survivre à l’épreuve du feu tandis que près d’un quart de la population mâle en âge de combattre fut décédée – ou gravement blessée.

Le Tigre ne peut pas « critiquer » un tel ouvrage. D’ailleurs aucune note ne sera émise à son encontre. Merde, mettez-vous un peu à ma place : un mec décide de rendre public le carnet de campagne d’un de ses proches, je ne vais pas dire que c’est mal écrit ou peu intéressant – Lepetit n’a pas voulu, en premier lieu, que ses écrits soient révélés au grand public de la sorte. S’il y avait quelque chose à reprocher, ce serait sur l’initiative d’une telle publication. Sauf que ce ne peut être l’objet de ce blog.

Retour à la Grande Guerre. Lepetit fait partie de ces rares hommes qui ont été trimbalés, dès 1914, dans la partie nord-est de la France pour combattre les Boches – pas d’autres termes utilisés pour les désigner. Sur 120 pages, le lecteur verra l’évolution d’un homme dont le style, de façon assez surprenante, ne change pas malgré ce qu’il subit. C’est assez surprenant même (je dirais « prodigieux »), cette manière de faire simple et se contenter de décrire son environnement sans se rebeller – à quelques rares exceptions près.

En guise de conclusion, Le Tigre a dévoré, en une petite heure, un essai biographique rédigé par un gus qui, sans être écrivain, est parvenu à poser une inexpugnable pierre sur le fragile édifice de la mémoire humaine. Un double héros, en somme.

Ce que Le Tigre a retenu

Comme on peut s’en douter, le récit est émaillé de passages assez hard, sans être pour autant insoutenables. Les cadavres qui s’accumulent, les corps démembrés dans le no man’s land, la brutalité de la guerre est résumée dans ce mot qui réapparaît, en fin d’ouvrage, dans les « considérations » de l’auteur : une boucherie. A ce titre, rappelons le rôle joué par l’artillerie avec des zones consciencieusement pilonnées toutes les dix minutes – ça apparaît comme la principale crainte du soldat. En revanche, peu de choses sur la vermine, la saleté ou le froid mordant. Du moins je l’ai ainsi ressenti.

Sinon, il est étonnant de noter le peu de noms cités par le sous-off’. Certes il croise ici et là des personnes qu’il connaissait (un de ses professeurs par exemple), cependant à peine s’il rapporte des dialogues avec celles-ci. Ce doit être ça le pire : lorsqu’un nom est avancé, c’est souvent pour préciser qu’un tel est mort de telle ou telle manière. Faut dire que certains ne restent en place pas bien longtemps, les compagnies étant plus que décimées (c’est-à-dire, plus d’un dixième de l’effectif) à intervalle régulier.

Plus généralement, les villages traversés, les longs jours dans les tranchées, ces horribles déluges de bombes, tout est dépeint avec une inquiétante neutralité de façade. Le gars accumule les grades et mène son petit bonhomme de chemin où ce qui paraît être le plus traumatisant reste l’artillerie : les canons allemands (et les mitrailleuses françaises à certains moments) sont des faucheurs de vie de grande ampleur, il est difficile d’imaginer à quel point un obus (qu’on entend guère arriver) peut exclusivement mobiliser le cerveau reptilien : chier dans son froc, rentrer sa tête, creuser à même le sol pour se faire tout petit – et perdre la boule quand c’en est trop.

…à rapprocher de :

– Forcément, Le Tigre a pensé à Tardi et son C’était la guerre des tranchées, incontournable BD. Ou Au revoir là-haut, de Pierre Lemaître.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.

Nocenti & Sandoval - Catwoman 3 : IndomptableVO : idem. Publié sous Catwoman #13-18 et Young Romance. Le Joker qui ne fait pas peur, un diamant qui fait sortir des monstres, un vol tout ce qu’il y a de plus banal, des dessins lourdauds qui fatiguent les yeux, bref fuyez cette daube en boîte. Indomptable déception.

Il était une fois…

Le quatrième de couv’ illustre bien le vide scénaristique auquel le lecteur aura droit :

« Pas une minute de répit pour Selina Kyle, la cambrioleuse la plus célèbre de Gotham, qui, sous son costume de Catwoman, doit non seulement affronter le Joker mais également organiser le vol d’un diamant aux pouvoirs insoupçonnés. La chapardeuse insatiable serait-elle sur le point de perdre son âme pour quelques carats ? »

Critique de Catwoman : Indomptable

Le deuxième tome m’avait déçu par le peu d’autonomie par rapport aux aventures du Chevalier Noir, je ne pensais pas qu’il était possible de faire pire. Alors certes Winick a laissé la place au scénariste Nocenti, mais est-ce la seule raison qui fait que j’ai eu hâte que cet opus se termine rapidement ? Sérieusement, je ne vois rien de bon à garder dans les trois histoires plus ou moins indépendantes qui se déroulent.

D’abord, les deux premiers chapitres annonçaient du rêve : Joker est de retour et semble désireux de faire la misère à l’héroïne ! Sauf qu’il ne lui fait pas grand chose à part taper la discute – et c’est sacrément plat niveau conversation. A la rigueur, le coup des échecs grandeur nature paraît finement trouvé. Ensuite, Catwoman doit dérober, sur instructions de Volt (qu’on connaissait plus ou moins), quelques objets dans une salle étonnamment bien gardée. Sauf que ça part dans un n’importe nawak de grande ampleur à cause d’un démon réveillé par le diamant noir – en deux mots comme en mille : délire psychédélique

Enfin, les deux derniers chapters reviennent à un vol plus « classique » mais qui n’a pas l’air de plaire au Batman qui lui fait une leçon de morale bien pourave. Dire que les illustrations ne sauvent guère la mise d’Indomptable relève de l’euphémisme : les planches sont globalement trop sombres ; les cases débordent de partout, y compris la poitrine de l’autre bonasse qui apparaît surtout comme un objet sexuel prêt à se faire malmener (notamment contre le clown). A peine si le monstre de la première partie est bien esquissé, hélas le scénario attaché ôte toute crédibilité.

En guise de conclusion, le félin a l’impression de s’être encore une fois fait gravement couillonné. Parce que j’aime terminer une série, je me laisse emporter tout en accordant une chance à la saga – qui, trop souvent, empire. Et je n’évoquerai pas l’inutilissime interlude (quelques pages) au cours duquel la belle se rappelle ses premiers émois avec Batman. Pouark.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Désolé, vais faire très court dans cette partie.

Pour rebondir sur ce que je glaviotais, la relation entre l’héroïne et Bruce Wayne, complexe, est ici abondamment traitée. Batman apparaît tantôt comme un fantasme de virilité qui fait mouiller la petite, tantôt comme un empêcheur de tourner en rond qui tend à recadrer les activités criminelles de Catwoman – notamment lorsqu’elle vole la ville et non les riches. Cependant, il faut savoir que l’apparition du Chevalier Noir se fait dans des circonstances bien précises indépendantes de l’ouvrage, à savoir d’autres aventures du Batou où il prend particulièrement cher – un de ses protégés étant assassiné. Ainsi, et de manière dommageable pour la bonne compréhension, les pérégrinations de Selina Kyle ne sont que des accessoires aux aventures, forcément (sic) plus importantes, de Wayne.

En outre, ce tome regorge de discussions in petto de l’héroïne et autres considérations sur son état d’esprit. Il en ressort un être sensible en proie à son irrésistible désir de voler ce qui brille (penchant sublimé lorsqu’elle est « possédée ») et qui parfois peine à se contrôler. Toutefois, Catwoman n’en garde pas moins un bon fond, que ce soient ses visites régulières à l’orphelinat ou sa manière de taper sur les autres avec courtoisie. Bref, quelqu’un qu’il est difficile de détester.

…à rapprocher de :

 – Commencer par le premier tome, intitulé La règle du jeu (bien meilleur), est préférable. Quant à ce qui suit (La maison de poupées), c’est bof, mais pas aussi nul que le présent tome.

– Ed Brubaker s’est aussi attaqué à l’héroïne, et c’est relativement correct. Par exemple le tome 3 puis L’Équipée sauvage (tome 4). Quant à Dans les bas-fonds, tome 2, sans plus hélas.

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Les textes du TigreVoici une courte missive à l’attention de ceux qui voudraient, par extraordinaire, se procurer un produit à base de tigre. Il y en a qui ne doutent de rien. Non seulement ça ne sert strictement à rien, mais en plus ça contribue à provoquer la disparition de cette superbe espèce. Pas envie que le seul tigre sur cette planète soit un hélicoptère militaire ou, pire, moi.

Laisse donc tranquille les tigres

Très cher ami,

Je suppose que tu es un homme déjà. Je sais les femmes trop intelligentes pour ne serait-ce qu’envisager ce qui va suivre.

Quelqu’un m’a dit que tu aimes les tigres. Figure toi que ça tombe bien, moi aussi.

tigre-produitsCette même personne (allez, appelons-là mon petit doigt) a susurré à mon oreille que tu serais prêt à aligner des dizaines de milliers de yuan/dollars/euros/livres/rials/yen pour posséder des fragments de ce noble animal.

Moi non plus. Mais qu’est-ce qui peut bien clocher chez toi ?

Je ressens le besoin pressant de t’insulter comme si tu venais de violer la tombe de ma grand-mère – même si tu auras du mal, incinérée qu’elle est, toutefois con comme t’es tu serais capable de jouir dans de la cendre. Mais pour l’instant je vais tâcher de deviner tes motivations. Sans trop me foutre de ma gueule. Enfin ça dépend de toi.

Reconnaissons-le, posséder un tigre empaillé, c’est la classe. A la limite, une dent du bestiau que tu accroches avec fierté à ton cou. On en rêve tous, de ce petit bijou qui pend à une chaine en or de piètre facture. Du badass pur jus, y’a carrément moyen que les nanas tombent sous ton charme et, sans plus attendre, entreprennent rapidement une danse du ventre face à l’artefact pendouillant gracieusement sur ta poitrine. Pourquoi crois-tu que j’ai choisi tel avatar ? Laisse-moi toutefois te prévenir : si le côté félin les amuse au premier abord, tu tomberas rapidement dans la zone de la beauferie la plus vile mâtiné d’une consternation face au lolilol des chats. Demande à ma copine, elle me trouve plus ridicule qu’autre chose.

Considérons qu’attirer la donzelle n’est pas ton premier objectif et que tu préfères en mettre plein la vue à tes potes. Soit. Néanmoins tes amis ne sont obligés de savoir que tu disposes d’un vrai tigre empaillé chez toi. Pour cent fois moins cher tu peux créer l’illusion et te la raconter avec la même assurance. Ton pays, qui est sûrement un indécrottable adepte du mensonge et de la dissimulation, t’a appris le principe de « double vérité » et nul te t’empêche d’étaler le même genre de schizophrénie. A force de te dire que tu as payé un vrai tigre au prix fort, tu te surprendras progressivement à y croire réellement.

Rien de tout ça ? Mais alors…attends, ne me dis pas que tu crois sérieusement que ta santé va s’améliorer en consommant un quelconque organe du félin ? Si ? Merde, t’es bien plus niais que prévu.

Donc les os broyés et consommés te donneraient vigueur et force ? Du calcium, du cartilage, un peu de moelle à la rigueur, et avec ça tu comptes péter le feu et survivre à trois générations. Sûr que tu peux faire confiance en tes croyances ancestrales à ce sujet. Les mêmes qui t’ont asséné, avec une exemplaire régularité, que la terre était plate et qu’au-delà des océans des chutes d’eau sans fond t’emmèneraient vers la félicité la plus totale. Bordel, si on n’était pas au XXIème siècle tu m’aurais fait rire. Dire que ronger les ongles des pieds de ta bourgeoise produit le même effet…

Ah, tu me parles des poils. Il est vrai que la fourrure tigresque, de feu et de sang, semble offrir à qui en ferait un thé à 16 heures de puissantes propriétés. Rien à voir avec tes cheveux (s’il t’en reste) filasses qui obturent la bonde de ta douche italienne. Sauf que ni la couleur ni la solidité augurent de quoi que ce soit. C’est comme les chips : belles, pimpantes et dorées, leur apport nutritionnel est aussi utile qu’un préservatif dans un couvent. Cependant, si tu y tiens vraiment, je te conseille de faire comme moi : prélève les poils que ton chat laisse un peu partout, déverse dessus des colorants alimentaires (l’E125 et l’E110 sont tout indiqués) et mange-les à ta guise.

pénis de tigreReste l’épineuse (sans jeu de mots) question du pénis. Sur ce point, franchement tu ne tournes pas rond. Déjà, tu as vu la taille de la bite d’un tigre ? Broyer le royal organe ne te donnera pas le tiers du centième des besoins en protéines nécessaires à ta survie. De toi à moi, mange plutôt la queue d’un âne (voire, si tu as très faim, d’une baleine), il y a de quoi te faire trois repas au moins. D’un point de vue médicinal, je te rappelle qu’il existe des petites pilules de couleur bleu susceptibles de dresser un chapiteau au niveau de ton bas ventre. Sans faire de publicité quelconque, sache juste qu’en sanscrit, « tigre » se traduit par « vyaaghra ». 

Entendons-nous bien, copain. Je ne te reproche aucunement tes croyances, moi-même je fais preuve de ridicule superstition (mon fétichisme du 12, par exemple). Hélas, à un moment, il est doux de se rendre compte quand tes penchants nuisent à autrui. Or, quand tu es disposé à aligner d’indécentes sommes pour un misérable flacon de sang de tigre, des personnes ne gagnant pas un rond sont prêtes à commettre l’irréparable pour améliorer leur ordinaire. En déréglant de la sorte le système économique d’une province riche en tigres, tu salopes son environnement aussi sûrement qu’en déforestant à tout-va avant de déverser de l’agent orange.

Je finirai en t’annonçant qu’il m’est arrivé, une fois, de te comprendre. Lors de mes pérégrinations asiatiques, je me suis plusieurs fois retrouvé en face de cet animal. Et comme toi, j’ai ressenti le fameux eye of the tiger, cet instant particulier où j’ai été littéralement tétanisé face au regard de la bête. Transpercé de part en part face à la magnificence apaisée et assumée de l’Empereur de la jungle, j’ai mis quelques heures à m’en remettre. Puis je me suis dit qu’un tel moment ne pouvait s’éteindre, il me fallait absolument avoir une miette de ce formidable pouvoir – peut-être qu’une part de son énergie  même infirme, se déverserait sur moi.

Mais à l’inverse de toi, j’essaie de rester à ma place. J’ai appris qu’un félin ne se possède pas, sinon tu le perds à jamais. Et c’est ce qui risque d’arriver avec les tigres.

Oscar Wilde - Le Portrait de Dorian GrayVO : The Picture of Dorian Gray. Un jeune homme riche et beau, à la suite d’un malheureux concours de circonstances, voit son tableau prendre les tares du temps à sa place. Entre description immersive de la société londonienne (tant les aristos que les bas fonds) des années 1880 et réflexions appuyées (apparence, amour, libertinage) grâce à d’interminables dialogues, un roman à (re)découvrir.  

Il était une fois…

Dans le Londres de la fin du XIXème siècle, Dorian Gray s’est fait un nouveau pote en la personne de Lord Henry. Les deux compères vadrouillent et discourent ensemble, Henry étant un délicieux compagnon. Leur rencontre a été rendue possible grâce à Basil Hallward, peinte de qualité qui a couché sur toile le beau visage de Dorian. Ce dernier fait part de son désir que le portrait vieillisse à sa place. Devinez quoi : il est exaucé.

Critique de Le Portrait de Dorian Gray

Certes, on connait tous plus ou moins de quoi cause cette histoire. Certes, on sait à quel point ça se termine mal. A savoir le pauvre Dorian, enfin ce qu’il en reste, écroulé au sol face à son tableau impeccable. Et ce ne fut qu’en examinant ses bagues qu’ils le reconnurent (ceci est l’excipit). Brrrr.

Mais, à relire ce classique, Le Tigre a cru déceler trois temps dans l’œuvre. D’abord, un belle moitié du bouquin campe les protagonistes, notamment le tableau qui ne change pas encore d’un iota. A peine si un rictus se dessine sur le visage lorsque Dorian, de façon fort peu galante, envoie chier Sybil Vane (vaine ?), actrice de pure beauté dans un théâtre miteux. Ensuite, le jeune homme sombre dans la facilité et entreprend de profiter de son inattendue immortalité de façade. Ainsi apparaît de longues pages, allègrement pompées (heureusement que l’éditeur le signale) d’après différents ouvrages – coutumes des Amérindiens et autres références sur des peuplades, délires sur les parfums et vêtements, etc.

Enfin, 18 ans après, notre jeune (en apparence) ami fait une rencontre avec le peintre (qui dégénère) et est à deux doigts de se faire buter par le frère de Sybil. Cette dernière partie, tout comme le début, est agrémentée de nombreux dialogues fort riches (sur l’âme ou l’esthétisme) mais qui rebuteront plus d’un lecteur plus pressé de voir de quoi a l’air le tableau de Gray. Ce dernier, horrifié par la tournure prise par les évènements, tente une bonne action. Néanmoins, cela n’a pour résultat que l’apparition d’une trace d’hypocrisie sur le visage peint, ce qui remplit le cœur (pourtant aride) du héros d’un désespoir sans fond.

Pour conclure, j’avais zappé à quel point ce roman est dense (près de 250 pages quand même) et bourré de références à la vie londonienne et à d’autres classiques des lettres anglaises (en particulier Shakespeare). Oscar Wilde, s’il ne semble avoir rien inventé de révolutionnaire, est parvenu à créer une ambiance et à se réapproprier ce qui se faisait de mieux question littérature. Un génie.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Évidemment il y a la question de l’art, immanent, face à la vie changeante. En intervertissant les rôles, Wilde nous questionne sur la dichotomie entre l’apparence (les bons mots, la belle gueule) et le fond d’un individu pourri jusqu’à la moelle. Outre Dorian, le cas de Sybil est également intéressant : la demoiselle a conquis le cœur de Mister Gray grâce à ses performances sur les planches (c’est fou comme les British sont fanas de théâtre), un ange de pureté fantasmé par le héros. Aussi, lorsque Do’ lui avoue son amour, Miss Vane redevient « normale », c’est-à-dire une jeune femme troublée incapable de bien jouer sur scène. Et cela horripile son futur fiancé dont la représentation de Sybil se fracasse sur le mur de la réalité. Il la largue donc. Classe.

Le Tigre pourrait discourir sur de nombreux autres aspects uniques au roman, toutefois il en est un qui m’a interpellé : la préface (assez chiante au demeurant) insiste sur la puissance « homosexuelle » du livre. Sauf que pour Le Tigre ce n’était guère si évident. Les rapports entre Dorian et Lord Henry m’ont paru être des relations entre bons potes, rien de licencieux avec des sous-entendus certes assez fins – inviter quelqu’un chez soi = l’enculer en fait. Même Basil, le peintre, tourne un peu plus autour du pot et il faudra attendre la troisième partie pour le voir esquisser le début d’une révélation amoureuse. Et dire que cette œuvre a été jugée plus que licencieuse, amorale au possible. Voilà un bon moyen de savoir où était placé le curseur moral de l’époque.

…à rapprocher de :

D’autres sites se chargeraient mieux que moi pour vous donner, à mon humble niveau je ne connais que Dorian Gray, une imitation, du grand Will Self. Voire La Peau de chagrin, du bon Balzac, parce qu’un lecteur a bien voulu me le signaler.

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Way & Bá - The Umbrella AcademySept enfants dotés de fabuleux pouvoirs (on ne sait pas vraiment pourquoi) doivent sauver le monde, et la tâche semble à chaque péripétie bien plus ardue que prévue. Tigre, en ayant lu le premier tome (et commencé le deuxième), n’a toutefois pu pleinement apprécier. Presque du grand n’importe quoi certes réjouissant mais pesant. Pour ma part, grosse déception.  

Il était une fois…

Lors d’un évènement en apparence anodin, 43 (oui, pas 42 sinon ce serait trop gros) gosses naissent alors que leurs mères ne présentaient aucun signe de grossesse – non, ce n’est pas le Village des Damnés. Encore plus étrange, ces nouveaux nés paraissent développer des superpouvoirs assez marrants. C’est là qu’intervient Sir Reginald Hargreeves, inventeur de génie (et extra-terrestre au passage), en adoptant sept de ces petits choupinets. Il créé une académie pour l’occasion où ses « élèves » font de petits miracles. Toutefois, une lourde menace plane sur la Terre, et l’entraînement des 7 prodiges pourrait enfin servir à quelque chose de très très grand.

Critique de The Umbrella Academy

Pour votre parfaite information, je vais ici seulement vous entretenir au sujet du premier tome que (intitulé Apocalypse Suite) j’avais acheté, il y a longtemps, en version originale – ça a été traduit depuis. Quant au deuxième opus (Dallas de son p’tit blaze), j’ai bien essayé d’en venir à bout, hélas après une cinquantaine de pages j’ai remisé le truc dans la bibliothèque. Rien à faire, ça ne m’a pas plus.

Pourtant l’histoire ne manque pas de sel et d’originalité : une poignée d’enfants sont recueillis par un philanthrope plutôt spé (genre bizarre) qui espère ainsi sauver le monde d’une menace qu’il paraît seul à supputer l’existence. Les chapitres alternent entre les flashbacks prenant naissance lors de cette adoption calculée (puis l’existence dans la fameuse Umbrella Academy) et le présent, à savoir une guerre asymétrique (les humains « normaux » étant largués)sur le point d’éclater.

Si l’action va tambour battant avec des combats aussi testostéronés qu’impressionnants, tout ceci n’a guère pris dans l’esprit du félin. Tout va trop vite, ça part aux quatre coins de la rose des vents sans qu’une ligne directrice ne soit visible – du moins dans le premier tome. Spaceboy, Kraken (les deux premiers prodiges), le Conductor, ce petit monde apparaît comme par magie tandis que les anciens protagonistes se transforment à qui mieux-mieux. Si ce n’est pas du grand guignol, alors je peux me rhabiller.

Et que dire des illustrations à part que ces dernières n’aident pas à remonter la pente : exagération assumée mais gavante, débordant de partout, mes yeux ont été extrêmement éprouvés par des contrastes – qui sont, au début, assez séduisants. Tout ça pour vous dire à quel point je suis salement emmerdé aux entournures : ma première expérience fut de dire « rien à en tirer, on passe à autre chose », toutefois je pressens que l’intégralité de la saga peut offrir, bout à bout, quelque chose proche d’un classique digne d’être relu.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Il faut reconnaître à Gerard Way un indéniable talent dans son scénario. Bien que j’ai lu d’un œil torve les aventures des sept héros, il se dégageait une certaine poésie entre les lignes avec d’impressionnants sommets. C’est comme si l’auteur nous endormait avant de monter en puissance, l’air de rien, vers du grandiose dont Bá (le dessinateur) rend parfaitement compte. Sans spoiler, je pense de go à Vanya Hargreeves, septième enfant et violoniste qui, à cause de ses pouvoirs, représente un danger car utilisée par les mauvaises personnes. Les solos qu’elle exécute sont de pure beauté et malgré l’absence de son tout lecteur pourra avoir un frémissement en parcourant le bouquin.

Le penchant négatif concerne ce que j’appelle, savamment (ou pas), le « syndrome X-Men ». Rien à faire, quand autant de personnages ont des pouvoirs si différents (certains étant, au premier abord, pas si sexy), il faut que les saloperies qui tombent sur leurs gueules puissent avoir comme solution, presque comme un fait exprès, une de leurs spécialités. En outre, pas d’inquiétude : chaque héros aura son petit moment de gloire, ce délicieux instant au cours duquel, magie totale, son UNIQUE pouvoir sera totalement adapté pour répondre à ce que mijote le vilain. Lourd.

…à rapprocher de :

– De Bá , il y a également Daytripper et L’Aliéniste (les deux avec Moon). Ce fut également une déception, même si les illustrations restent phénoménales.

– Une catégorie d’humains dotés de pouvoirs psychiques et regroupés dans une école, c’est la série Harbinger (premier tome, L’Éveil de l’Oméga, en lien).

Attention : peut-être qu’un beau jour je vais me replonger dans la saga et corriger le présent billet. Si j’en ai le temps. Mais Le Tigre a, pour l’instant, une ardoise lourdement chargée avec ce paramètre.

James Patterson - La Maison au bord du lacVO : The Lake House. Six gosses, produits d’une expérience génétique somme toute réussie (ils volent comme des zoizaux !), font l’objet de toutes les convoitises. Rebondissements, poursuites à perdre haleine, ça dépote dans les chaumières. Hélas, le félin n’a pas du tout accroché, en raison notamment du penchant « SF » qui relève du foutage de gueule.

Il était une fois…

Lisons ensemble ce que propose le quatrième de couv’:

« Afin que le projet le plus diabolique jamais conçu par la science demeure secret, le Dr Kane doit faire disparaître six enfants qui ont été le jouet de ses expériences de laboratoire. Pour échapper à leur sort, ceux-ci se sont retranchés dans une maison au bord d’un lac, où ils se croient en sécurité. Mais c’est compter sans l’obstination du démiurge qui a programmé leur mort ! »

[Ai découvert ce que signifie « démiurge » à l’occasion : c’est le créateur. Rien à voir avec quelqu’un qui ravale son vomi]

Critique de La Maison au bord du lac

Tigre a commis deux erreurs en démarrant par ce truc. D’une part, je pensais que ça aurait un rapport direct avec la série Maximum Ride dont j’avais lu, jeune, quelques spécimens. Or il n’en est rien (cf. premier thème traité), les différences sont trop importantes. D’autre part, cet ouvrage est la suite directe de Souffle le vent -que j’ai cru bon ne pas lire – à cause du titre qui ne me vendait guère de rêve. Calamitas merdumque, les cent premières pages ont à peine suffi à me faire rentrer dans le bain.

Le roman tourne autour d’une petite bande d’êtres génétiquement modifiés soumis à deux types de soucis. D’abord, des vilains scientifiques en veulent à leur intégrité et souhaiteraient les dépecer vivants afin de se faire des couilles en platine. Max (protagoniste trop parfait), Matthew, Ozymandias (rien à voir avec Watchmen), Wendy, Peter et Icare vont lutter pour leur survie, et leurs pouvoirs s’avéreront très utiles. Ensuite, nos jeunes volatiles humains sont au beau milieu d’un procès à l’issu duquel ils sauront avec qui ils habiteront : resteront-ils avec leur famille biologique (où ils s’emmerdent sévère) ou pourront-ils rejoindre Frannie et Kit, les docteurs qui se sont autrefois occupés d’eux ? – question rhétorique, je vous laisse deviner ce qu’il en sera.

Le style est du Patterson pur jus : sec, nerveux et doté de chapitres courts, lire cette œuvre est grisant tellement on se surprend à dévorer les pages. Hélas, l’auteur américain s’est concentré sur ce qui m’a le moins plu : le thriller putassier doublé d’une romance assez malvenue avec l’héroïne principale – qui, sans spoiler, pondra deux beaux oeufs à la fin. Du coup, le tenant science-fictionnesque de la Maison au bord du lac, peu développé, décevra plus d’un lecteur. Dommage.

De l’intérêt de lire un titre après avoir lu le premier tome – ce que l’éditeur ne signale pas.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Le fauve est sans doute excessif vis-à-vis de cette sous-série qui est bien différente de la saga Max. J’avais en effet lu une partie de ce dernier arc narratif, destiné aux adolescents, un peu trop tardivement. Et ça m’avait gravement gonflé, rarement j’avais autant baillé face aux aventures lolilol de héros volants insupportables. Or, le présent roman paraît être plus rédigé à l’intention des plus vieux (des moins jeunes, plutôt), les problématiques abordées étant plus « sensibles ». Sans compter les lourdes différences qui font que ça ne peut être considéré comme un préquelle de Max.

Sinon, pour évoquer le fond (façon de parler, ça reste assez gras question ficelles), la raison pour laquelle des scientifiques peu scrupuleux en veulent aux culs des héros est assez triviale : après kidnapping, les méchants comptent prélever les organes des surhommes pour mettre au point la « Résurrection », qui consiste, sans surprise, à prolonger la durée de vie de personnes importantes – qui d’un président, qui d’un riche PDG. Circulez, rien de nouveau sous le soleil.

…à rapprocher de :

– Puisque j’en parlais rapidement, la série Max n’est pas faite pour moi (exemple avec Max Overide).

– Le film The Island, sur le délire on-garde-des-morcifs-d’humains-vivants-pour-les-riches.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.

Alain Damasio - La Zone du DehorsDamasio a la patate, de l’imagination et aime jouer avec les mots. Oh que oui. Dans cette dystopie futuriste où tout le monde il est heureux, quelques dissidents décident de passer à l’étape supérieure. S’il s’agit d’un roman qui met un certain temps à s’apprivoiser, celui-ci laissera plus d’une marque au lecteur – qui ne pourra éviter de faire le rapprochement avec ce qui cloche aujourd’hui.

Il était une fois…

En l’an de grâce 2084, sur un astéroïde près de Saturne, se trouve la glorieuse cité de Cerclon I. Une sacrée belle ville, paisible comme tout et gérée de main de maître par A, le président, aidé de ses ministres et d’un ordinateur surpuissant – le Terminor. Mais certains habitants ne l’entendent pas de cette oreille, et tenteront de réveiller cette « démocrature » trop lisse et policée (c’est le cas de le dire). Au risque de perdre leurs vies, voire la nature de leurs combats.

Critique de La Zone du Dehors

C’est toujours la même chose : les écrits de cet auteur français sont tellement puissants que je vais encore dépasser ma limite des 1 000 mots – avec Damasio, celle-ci n’a plus lieu d’être en fait. Un univers unique, des problématiques universelles qui, malgré l’aspect SF, sont plus que d’actualité, je ne regrette guère d’avoir lu cet ouvrage écrit en 1992 et remanié depuis – avec une préface en prime.

Pourtant, j’ai eu sacrément peur au début. En un mot comme en cent : c’est chiant. Les 200 premières pages extrêmement durailles à saisir, Damasio se joue de nous et, outre les noms imbitables des protagonistes (cinq lettres presque au hasard, suivant la position sociale des personnages), faut dire que l’environnement est difficilement représentable – les descriptions sont parfois hasardeuses. Au sein d’une cité paisible établie sur une mystérieuse planète (loin d’une terre ravagée après une quatrième guerre mondiale en Ukraine) où les habitants sont minutieusement contrôlés, une bande de remue-merdes se prénommant la Volte (comme une révolution, mais sans le « ré » du retour au point principal) cherche à tout changer.

Heureusement, l’intrigue se réveille à partir de la très attendue « cérémonie du Clastre ». Pour faire simple, cela consiste, tous les deux ans, de noter ses supérieurs (et ses subalternes) afin que s’établit un classement où tous les citoyens se verront attribués un nouveau poste (avec un nouveau nom). C’est là que nos héros décident de foutre le bordel, notamment sur un lac où tous célèbrent leurs nouveaux statuts. Puis c’est l’immeuble de la TV qui est visé, la violence devient franchement physique et il est grand temps pour les autorités de réagir.

C’est à cet instant que le style de Damasio développe toute sa richesse au service de thématiques pleines de sens et qui en bouleverseront plus d’un. Le procès de captn (le capt’aine, personnage principal) est un superbe moment de manipulation de l’opinion couplé à la guerre médiatique que peuvent se livrer deux camps. Et que dire alors de la suite de ce procès, à savoir le « jeu vidéo » qui propose de se mettre à la place des victimes (un grand moment de littérature) ? Ensuite, certains mystères sont désépaissis (sans être dévoilés), telle la raison qui a poussé la création de ces villes « parfaites » ou encore la nature et le rôle du fameux Cube, monstrueuse construction suscitant bien des fantasmes. Quant aux derniers chapitres, il y a comme un certain relâchement, on sent que l’auteur était presque à court de jus.

En guise de conclusion, le félin a eu le sentiment que Alain s’écoutait largement parler. Ce n’est pas tant dérangeant que cela, il faut avouer qu’il utilise de bien jolis mots, sans compter les fulgurances savoureuses. Toutefois l’auteur en fait trop, on sent que ce roman écrit au début des années 90 (et remanié depuis) est encore rempli de la veine anarchiste libérale (dans sa définition première, noble) qui appelle à la lutte créatrice et au non conformisme le plus béat. Mais ça reste indémodable et, je le crains, indispensable dans toute bibliothèque qui se respecte.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Ce qui est bon avec ce titre est la possibilité, pour le lecteur, de prendre position assez rapidement pour un groupe. Suivant l’état d’esprit du moment, êtes vous plutôt pour Captn et ses potos ou en faveur d’une dictature soft appréciée de la majorité – qui préfère ça à la guerre de la Terre ? Pour ma part, j’ai tenté à un moment à me mettre à la place du gouvernement (le très réaliste président A. est un héros en soi) en considérant que les membres de la Volte chient gravement dans une soupe correcte. Pourquoi foutre la merde sur Cerclon alors qu’ils pourraient exporter leur Volution ailleurs ? Damasio, intelligemment, donne des réponses séduisantes. Sans compter les révélations en fin d’ouvrage, qui rendent les « méchants » plus subtils que prévu.

Quoiqu’il en soit, l’écrivain français tape extrêmement haut dans ce qui est de l’idéologie politique grâce à des dialogues et considérations d’une rare profondeur. Qu’est-ce qui fait la démocratie ? A partir de quand la protection et la sécurité des membres d’une nation (ou un groupe) empiète-t-elle sur leur liberté et leur énergie créatrice – destructrice ? Ces questions sont abordées largement, notamment lors des cours donnés par captn (il est prof) ou l’échange avec le président de Cerclon. Ce dernier apprend au lecteur la différence entre le pouvoir et la puissance, le fait que la politique n’est que l’art de gérer, sans faire d’étincelles, à l’instar d’un père transi de peur face à sept millions de chefs idiots et éternellement insatisfaits.

Le félin va terminer sur une remarque toute conne qui m’est venue assez tardivement dans la lecture de l’œuvre : le héros est un Jésus moderne. Oui. C’est clair comme de l’eau de roche. Captn (avec sa copine Boule de chat, séduisante en diable) va trop loin, puis est condamné par un procès truqué d’avance avant de mourir. La renaissance ensuite, avec le retour en grâce auprès d’une population définitivement conquise. La référence au christianisme tient à surtout rappeler le pouvoir que peut représenter le verbe, les discours assénés, avec l’aide de la technologie, à une foule en délire qui voit son paradigme définitivement bousculé.

…à rapprocher de :

– L’énorme claque de Damasio reste La Horde du contrevent (en lien). Point barre.

– Comme je l’évoquais, l’auteur se laisse partir dans de grands délires avec un galimatias technico-phylosophique qui n’est pas sans rappeler notre bon Momo G. Dantec (exemple ici).

– La surveillance totale et la dictature soft rappelle un peu Globalia, de Rufin – qui n’atteint pas la cheville de Damasio. Voire, dans un autre style, le premier volume de Rai, de Matt Kindt et Clayton Crain.

– Bien évidemment, 1984 d’Orwell. Ce n’est pas pour rien que l’histoire démarre en 2084 – on évitera de tousser face au progrès technologique en cette fin de 21ème siècle.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.

Ersi Sotiropoulos - EvaVO : idem. A l’approche de Noël, une femme décide, sur un coup de tête, de visiter l’Athènes underground. Rencontre avec trois cas sociaux qui représentent une certaine image de la Grèce, forcément pessimiste. Le style, le sujet, franchement tout ceci n’est pas fameux. Impair et passe. 

Il était une fois…

Pas le courage de vous dire de quoi il s’agit, voici donc le copier-coller de l’éditeur :

« Cette veille de Noël, Eva n’a pas vraiment l’esprit à la fête. Prise de vertige, elle s’enfuit d’une soirée après un baiser enflammé et erre dans les quartiers fantômes du cœur d’Athènes. Dans un hôtel borgne, elle rencontre Moïra, prostituée à la sagesse cryptée, le vieux Ramon, l’infantile Titika et Eddy le voleur. Eva écoute, observe et entrevoit cet envers du décor étranger et inquiétant, une Grèce miniature, corrompue et rongée de l’intérieur. »

Critique de Eva

Donc cet ouvrage a reçu le prix du meilleur roman de l’Académie d’Athènes. Je comprends mieux pourquoi, depuis Eschyle, je n’ai jamais lu d’auteurs grecs. Je sais qu’on va tomber sur le râble du Tigre pour ce qui va suivre, mais si c’est tout ce que ce pays a à offrir question littérature, alors il y a de quoi sérieusement s’inquiéter – d’autant plus qu’à mon humble avis la traduction n’y est pour rien. Moins de 200 pages très aérées, et pourtant ce fut looooong.

Revenons à notre douce Eva. Eva ne se sent pas au top lors d’une fête chez des amis. Eva se promène dans la nuit et rencontre une coureuse de remparts qui l’invite chez elle. Eva écoute ses nouveaux amis en se demandant quand elle pourra partir. Pffffuiiii. Le problème, avec Eva, c’est que ce qui lui arrive n’est pas aisé à suivre, les flashbacks se multiplient aux rencontres délirantes (dans le mauvais sens du terme) avec des protagonistes sortis d’un chapeau magique. Ces derniers ne sont ni vivants, ni crédibles, à l’image du fade Nikos, époux de l’héroïne qui remplit, avec peine, son rôle de vulgaire potiche.

Que dire du style de l’œuvre ? Nom de Zeus, ce n’est pas du tout ma came. Des comparaisons salement catapultées ; des phrases qui tortillent du derche et se terminent du genre « C’était juin. Ou était-ce juillet ? Je ne sais plus. » ; des fils de pensées sans queues ni têtes qui ne semblent mener nulle part, j’ai eu l’impression de lire un brouillon de script d’un film français avec des acteurs parodiant les Inconnus. J’ai même du sauter quelques pages (vers les trois quarts) pour savoir si, vers la fin, ça se décantait un peu. A peine si ça bouge avec l’intrigue relative au papa malade, mais rien de bien folichon.

Bref, soit je n’ai pas su apprécier un roman qui paraît avoir été écrit par une femme pour une autre femme (achtung, ceci n’est pas de la misogynie), soit est fondamentalement mauvais. Quoiqu’il en soit, la pauvreté du scénario (l’intérêt de l’œuvre m’a gravement échappé)  et le manque de rythme m’ont perdu dès le début. Entre ça et une tisane, les plus insomniaques sont sûrs de pioncer à poing fermé.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Bon, c’est maintenant que le fauve doit prouver qu’il a bien lu le roman jusqu’à la lie :

Les personnages croisés par Eva sont tellement caricaturaux et décalés que j’ai cru voir un pompage en règle des trois noëls de Scrooge, le vieux rabougri riche et rapiat – l’inverse de la douce Léa. Or, chacun de ces individus renvoient à une facette de la Grèce telle que vécue par l’écrivaine. Le voleur d’abord, Eddy, qui par extraordinaire aurait volé l’héroïne (parabole de l’homme politique, si rare mais dont les actes sont tangibles ?). La prostituée, ensuite, incarne la résilience d’un peuple qui prend cher mais attend tranquillement d’être à la retraite. Quant à Titika (oui, ça ne s’invente pas), il est la jeunesse dorée (enfin insouciante) rigolarde et trop fière qui ne sait pas encore ce qui va arriver à sa génération. Que de l’optimisme, chouette.

Sinon, l’éditeur vend (vent, plutôt) une ville corrompue de l’intérieur. A part ce qui est dit ci-dessus, bah y’a pas grand chose à se mettre sous la dentiche. Il est certes question du « Parti des ordures » (on t’a reconnu, PASOK !), de flics qui protègent les délinquants ou d’hommes politiques fréquentant, avec ostentation, la pègre, toutefois il ne s’agit que d’impressions fugaces, comme dans un rêve. Corruption des esprits (Eva mérite des claques dans son genre), corruption des corps (le père souffrant), mais avant tout déréliction du Tigre face au bouquin.

…à rapprocher de :

– Dans la catégorie des pays où rien ne vas, vous préférez sûrement Prague, faubourgs est, de Tim Demeillers.

– Sinon, chez le même éditeur, la narration mi-déprimée mi-insupportable par une narratrice m’a rappelé Le jour où tu m’as quittée, de Schneider.

Enfin, si votre librairie est fermée et que vous souhaitez contredire Le Tigre, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.

Grant Morrison - Batman T8 : RequiemPublié sous Batman, Incorporated #1-8 et Batman, Incorporated : The Leviathan Strikes !  La guerre contre Léviathan est à son paroxysme, et notre chevalier noir est assailli de toute part. Ses proches amis sont en danger, la ville de Gotham est sur le point de le renier, bref c’est la merde all over the wall. Pas mécontent que tout se termine, ça commençait sérieusement à m’ennuyer.

Il était une fois…

Il s’agit des dernières aventures du Bat imaginées par le bon Grant Morrison. Pour la peine, je laisserai la parole à l’éditeur. Chanceux va :

« La tête de Damian Wayne, fils de Bruce et de Talia al Ghul a été mise à prix par sa propre mère! Celui qui agit depuis quelque temps sous l’uniforme de Robin est désormais la cible de l’organisation Léviathan. Batman Incorporated va devoir mettre toutes ses ressources en œuvre pour protéger le Jeune Prodige. Mais peut-être est-il déjà trop tard… »

Critique de Batman T8 : Requiem

Premier tome bien décevant, deuxième qui rattrape superbement l’affaire, troisième presque catastrophique, quatrième opus qui passe sans anicroches, cinquième plus que mitigé, sixième tome très sympa, septième un poil chiant, et ce dernier a failli m’achever. C’est une loi des séries, et pour tout vous avouer j’ai mis plus d’une semaine à venir à bout de cet opus.

De quoi ça parle ? Bah y’a de tout. Mais vraiment, si bien que le combat entre l’organisation Leviathan (qui réserve de nombreux coups durs contre le chevalier noir) et la Batman Inc. prend diverses tournures : monstruosités génétiques, supers soldats qui brises l’équivalent de la production annuelle de verrerie de dix usines Saint-Gobain surexcitées, bref ça défouraille dans les grandes largeurs. La vision de Morrison, unique dans son genre, fait appel à de multiples notions et références (plus ou moins aisées à remarquer) de la légende du Bat, sans doute lire d’une traite ce comics est préférable à taper quelques chapitres ici et là comme je l’ai fait.

Les illustrations, bien qu’inégales (surtout en termes de couleurs), n’en restent pas moins agréables à l’œil. En fait, Burnham, Irving & consorts ont réellement aérer l’ouvrage et l’agrémentant de cases saisissantes qui ne sont pas sans rappeler des tableaux sortis de romans dits « pulp ». Par exemple, la méchante Talia est sexy en diable, ses formes, huuuumm.. Cependant, la fluidité de la lecture reste gâchée par les chapitres qui donnent le sentiment de sauter du coq à l’âne – peut-être un effet indésirable d’un album qui cherche à plaire à tous.

Toute cela pour vous dire que le félin s’est senti profondément floué par cet opus. Fin en queue de poisson qui n’apporte que peu de réponses (à part un same player shoot again assez ringard), rien à voir avec le feu d’artifice d’une saga qui m’a coûté, rappelons-le, près de 200 boules.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Comme il est d’usage de finir en beauté pour une telle saga, Grant M. nous offre rien de moins que la guerre totale. Celle où tous jettent leurs ultimes forces dans la bataille. Que ce soit Batman qui fait appel à tous les héros de son univers (il va même repêcher Azrael, c’est dire) à Talia qui fout son daron en prison pour gérer son affaire, le lecteur sentira sans difficulté que ça sent l’éclatement final. Les morts sont légions, le sang et les larmes s’invitent avec un peu trop d’empressement – on jurerait que l’auteur, content d’avoir créé ce monde, prenait un malin plaisir à casser son jouet.

Ce conflit entre Léviathan (qui est une terrible extension de l’empire des al Ghul) et la lumière prend une tournure plus que personnelle avec la famille largement impliquée. Car Talia, ex de Bruce (enfin de Batman), ira jusqu’à commettre l’ignoble, à savoir tuer son propre fils qui a décidé de rester avec la bat famille. Or, Damian reste un gosse (il est dépeint encore plus jeune et petiot), aussi l’anti héroïne rejoint le panthéon des purs salauds (avec le Joker) qui vont jusqu’à tuer les fils spirituels batmanesques. Que dire aussi de la ville de Gotham, dont la prise en otage évolue vers une potentielle destruction à cause de l’entêtement de Bruce Wayne ? Glaçant.

…à rapprocher de :

–  Ce comics ne peut hélas se lire indépendamment des autres, qui sont dans l’ordre : Batman : L’héritage maudit ; ensuite Batman R.I.P. ; puis Batman : nouveaux masques ;Batman : le Dossier noir ; Batman : Le retour de Bruce Wayne ; Batman contre Robin ; Batman Incorporated et enfin le présent comics.

– De Morrison, vous pouvez préférer le génial reboot (avec Quitely) d’un autre héros grâce à All-Star Superman. 

Enfin, si vous n’avez pas de « librairie à BD » à proximité, vous pouvez trouver ce comics en ligne ici.

L'encyclopédie des félinsAvouez, on a tous, par accident bien évidemment, failli embrasser son animal de compagnie sur le museau – et plus encore. Souvent, ce dernier le voulait clairement. Et si on le laissait faire ? Mieux : et si vous preniez l’initiative ? Est-ce mal ? Est-ce dangereux ? Comment s’y prendre correctement pour ne pas passer pour un freak ?

Love me tender, love me true

Le Tigre ne recule devant rien pour faire de son blog à aimant à clics – et l’assume avec la plus blâmable allégresse. Pour ceux qui ne me lisent qu’en raison de quelques bons plans littéraires, veuillez alors me pardonner et souffrir que le cherche à diversifier le blog.

Le constat est simple : tout propriétaire de chats adore son animal – moi le premier. Tellement qu’il peut arriver à l’heureux propriétaire, dans un moment d’extrême solitude (souvent couplé à des breuvages que le code de la route réprouve), de vouloir embrasser son félin amoureusement. Sur la tête. Le ventre. Puis le désir de passer à quelque chose de plus sérieux se fait pressant. Irrépressiblement, vous cédez à vos pulsions et tentez de porter un baiser sur la bouche. Un gentil smack. Et pourquoi ne pas mettre la langue ?

Pour les amateurs aguerris qui ont sauté le pas, vous ne pourrez me contredire quand j’annonce qu’un chat pue gravement de la gueule. A côté de votre minou, le bisous de votre grand-mère à deux doigts de clamser et qui n’a pas eu le temps de se laver les dents depuis l’élection de Mitterrand, bah c’est l’équivalent de trois kilogrammes de bonbons Pyrénées – vous savez, ceux à la menthe ?

Admettons que vous souhaitez toujours galocher la bête. En premier lieu, je vous propose de répondre à ces questions d’un point de vue moral, puis hygiénique. Ces décharges de responsabilité effectuées, nous étudieront enfin les différentes façons en vue de patiner son animal de compagnie.

Embrasser son animal sur la bouche, est-ce mal ?

Le premier problème est que, à cause d’un témoin indélicat ou parce que vous avez publié la vidéo de vos exploits sur une plateforme de vidéos en ligne, la justice décide de s’intéresser à vous. Le Tigre revêt alors sa robe de magistrat pour vous annoncer que vous ne risquez STRICTEMENT rien.

Même si vous forcez midinette à vous prodiguer un baveux bisou, la qualification d’agression sexuelle ne semble pas devoir s’appliquer à vous. En effet, l’article 222-22 du Code pénal stipule que toute atteinte « commise avec violence, contrainte, menace ou surprise » est une agression sexuelle. Mais contre un être humain ! Heureusement d’ailleurs, sinon il y aurait de quoi envoyer les vétérinaires inséminateurs en prison pour quelques millénaires.

Concernant les comportements déviants vis-à-vis des animaux, il faut plutôt regarder du côté du premier alinéa de l’article 521-1 du code susmentionné. Il y est gazouillé que le fait, publiquement ou non, d’exercer des sévices graves, ou de nature sexuelle (je mets en italique), ou de commettre un acte de cruauté envers un animal domestique, ou apprivoisé, ou tenu en captivité, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 kilos boules d’amende.

C’est là que la jurisprudence a pu préciser, à juste titre, que « sévices graves ou de nature sexuelle » signifie sévices graves OU sévices de nature sexuelle. Ainsi, un comportement qui a une portée seulement sexuelle et ne constitue pas une violence ne serait point visé par le code pénal – il en serait différemment avec une pénétration autrement plus brutale, à l’aide d’un objet ou autre. Cependant, si vous enfoncez la langue avec une insistance avérée dans la glotte de votre compagnon, vous pourriez entrer dans l’illégalité – en plus de le faire vomir sur vous.

D’un point de vue de la stricte moralité, je vous laisse être juge de ce qui est convenable et de ce qui ne l’est point. Que ce soit la Bible qui interdit toute fornication avec des animaux ou votre petite amie jalouse qui ne supporte plus vos élans d’affection avec midinette, le curseur moral peut être placé à tout endroit. Et si vous pointez ce fameux curseur à l’aune de la « morale animale » (admettons que celle-ci existe), alors c’est open-bar pour l’homo sapiens.

Comme le disait je ne sais plus quel anthropologue, les interdits moraux (puis religieux) sont le fait d’observations strictement médicales. Genre l’inceste, lorsque faire des bébés avec son frérot (dans le style de la dynastie des Ptolémée) produisait un résultat calamiteux. Qu’en est-il d’embrasser un chat sur la bouche ?

Lécher le visage de son chat, c’est sale

Après des heures de discussion avec le vétérinaire de midinette qui, entre deux termes savants à consonance latine, en profitait pour grossir sa note d’honoraires, voici grosso merdo ce qui ressort des dangers du baiser :

Chat qui boit eau robinetTout d’abord, le problème majoritaire provient de la toilette de votre animal de compagnie. Celui-ci, s’il est infecté, n’en continue pas moins de s’auto-laver. En se léchant le cul, la probabilité est grande qu’il garde quelques saloperies sur son museau. Aussi, n’hésitez-pas à laver le visage de midinette avant de commencer les préliminaires. Un tissu imbibé d’eau (pas de savon, de grâce) devrait ôter les bactéries les plus vilaines.

Ensuite, ce ne sont pas vraiment les bactéries et autres virus qui pendent au nez de midinette, mais plutôt des vers (enfin des larves) transmissibles à l’homme. Au hasard, il n’est pas impossible de choper de l’ascaris, un parasite qui peut afficher ses trente centimètres de longueur au compteur. Le pire, d’après ce que j’ai compris, est de récupérer en son sein des vers échinocoques, ce qui provoquera une correcte échinococcose. Cette maladie, mortelle à terme, s’attaque au foie en le faisant ressembler à celui d’un alcoolo en moins de quelques mois – en plus de la fièvre et d’intenses douleurs au niveau du bide.

Enfin, ces maux concernent avant tout les mineurs et femmes enceintes. La future maman, d’ailleurs, peut rajouter à ces risques celui de la toxoplasmose, pas dangereuse en soi à l’exception du fœtus – nettement plus emmerdant. C’est pourquoi il faut interdire à ses gosses d’emballer leur animal, à plus forte raison lorsque ce dernier est en bas âge.

Mais comme Le Tigre a bien plus de vingt piges, il ne risque rien.

Comment rouler un patin à son chat

Passons maintenant à la pratique !

Comme il a été évoqué, forcer ou surprendre sa midinette ne relève point du code pénal. Sauf que la difficulté est que l’animal, peu habitué à ce qu’il arrive, réagit brutalement. Je ne sais pas pour vous, mais personnellement j’évite de faire le con avec mon chat lorsque les yeux sont à moins de vingt centimètres de ses griffes.

La solution de facilité consiste à faire en sorte que la chatte, de sa propre initiative, vienne vous faire un petit bisou. Pour cela, mettre de la nourriture dans sa bouche pourrait apparaître utile. Attention, ne foutez pas n’importe quoi sur votre langue ! Du liquide avant tout, un peu de crème fraîche, de la pâtée, et pas de trucs trop gros. J’ai un ami qui a tenté de placer une crevette sur sa langue, et vous savez ce qui est arrivé ? Son chat, ce gros con, a voulu la prendre d’un revers de patte. Sauf qu’il s’est raté et a enfoncé une griffe sur le bout de la langue de mon pote. Lequel, en beuglant comme une truie violée, a fait peur à son animal qui a cherché, tant bien que mal, à se dégager. Les voir ainsi dans leur danse grotesque, quelle grosse rigolade – sauf qu’il y avait assez de sang sur le sol pour faire du boudin.

[quand je dis que « j’ai un copain à qui ceci est arrivé », ce « pote » existe vraiment. Je ne fais pas ça pour taire mes honteuses aventures]

La technique tigresque, plus délicate, a le mérite d’associer hygiène nécessaire et accord tacite du mammifère : l’embrasser pendant qu’il boit. D’une part, il est tellement concentré sur l’étanchéité de sa soif qu’il ne vous verra guère arriver. Sans compter que, en tirant la langue pour laper le précieux liquide, celle-ci vous sera toute offerte. D’autre part, sa gueule est un peu moins dégueulasse qu’à l’accoutumée. Que du bonus.

Prêt à vous rouler un patin

Prêt à vous rouler un patin

Voilà donc à quoi ressemble midinette prête à recevoir votre baiser. Ne cliquez pas sur l’image, en gros plan, ça peut surprendre. En ce qui me concerne, ça s’est magnifiquement passé. Car quelque chose de magique est arrivé : mon ch’ti bestiau, malgré mes coups de langue dans sa bouche, croyait que je tentais seulement de boire avec lui. Il s’est progressivement esquissé un rare moment de connivence entre deux êtres succombant à l’appel de la nature, ce fut sans doute un des plus beaux moments de communion avec elle. Bien que je ne voyais que le noir de ses yeux, je devinais, plus loin, des frétillements de queue de sa part dont l’interprétation était évidente : nous étions heureux.

Conclusion d’un catlover

Vous voilà dûment prévenus des menus dangers du léchage de visage félin. Entre maladies plus ou moins inquiétantes et barrières éthiques assez handicapantes, vous remarquerez que tout ce qui peut vous causer du tort le souci du chat vient de son derrière. Tout ça pour dire que l’anulingus doit être simulé avec un gant ou autre (ne reproduisez donc pas ce billet en lien).

Notez, enfin, que ce billet est presque valable vis-à-vis d’un chien ou d’un hamster. A l’exception sans doute du nom des dégueulasseries que vous risquez d’attraper. A mon sens, c’est comme boire l’eau du robinet dans un pays d’Asie : il faut bien faire fonctionner ses anticorps.

Pour le numéro du volume, je vous renvoie au dicton qui dit que french kisser quelqu’un mobilise 34 muscles. Un peu moins chez le chat…à moins que, effrayé par votre audace, il mette en branle ses 500 muscles pour vous échapper.

A vous de jouer. Et n’oubliez pas de m’envoyer vos photos.

Frédéric Beigbeder - L'Égoïste romantiqueMi-fiction mi-biographique, le dionysiaque (pour ne pas dire gros loser queutard) Beigbeder s’est fait plaisir sur ce coup. Mélange de divers textes avec un fil plus ou moins tenu, y’a de tout. Relativement insupportable pour ma part malgré quelques jaillissements intellectuels fort plaisants. Non, Frédou a fait mieux dans sa vie. 

Il était une fois…

Allez hop, voici comment tente l’éditeur de nous vendre sa came. Y’en a qui ne doutent de rien punaise :

« Oscar Dufresne a trente-quatre ans. C’est un écrivain fictif, comme il y a des malades imaginaires. Il tient son journal dans la presse pour que sa vie devienne passionnante. Il est égoïste, lâche, cynique et obsédé sexuel – bref, c’est un homme comme les autres. »

Critique de L’Égoïste romantique

Comme Le Tigre n’est guère clivant (à quelques exceptions près) et que chaque personne a son petit avis sur le cas de Frédéric B., nous allons tenter de dégager deux penchants extrêmes dans lesquels tout lecteur normalement constitué pourrait sombrer. Oui, j’utilise le « nous » de majesté, mais j’ai vu bien pire dans ce roman.

D’un côté, la prose de l’écrivain parisien, déconnante dans toute sa décadente splendeur, est un régal des yeux. Ça coule d’autant plus dans le cerveau que les chapitres, courts, ressemblent à autant de petites histoires fort savoureuses. Quelques anecdotes m’ont franchement aéré l’esprit, avec un humour classo-cradingue qui m’a arraché plus d’un ricanement. Alors certes il y a quelques considérations plus sérieuses, cependant celles-ci ne sont pas dénuées de sens et tendent un épaissir un personnage assez frivole.

De l’autre côté, ce roman est profondément consternant. Un scandale, même, c’est à se demander qui Beigbeder a sucé pour que son truc soit publié. Déjà, le protagoniste, branleur de première qui baigne dans les tunes et la dope (et parvient à se plaindre de ne pas trouver l’ââaaamour), est horripilant. Ensuite, et sans aucun doute le plus grave, des chapitres entiers ont un goût de déjà-vu qui m’a piqué l’arrière-train. Il y a des passages qui sont, à peu de différences près, des quatrièmes de couverture (voire des titres) des romans qu’il était sur le point d’écrire. C’est là que le félin formule le gros reproche à Beigberder : à part parler de toi, tu ne sais rien écrire. Tu n’es donc pas un écrivain.

Pour conclure, tout dépend en fait de l’expérience que vous avez de cet auteur. C’est tout bon pour commencer. En ce qui concerne Le Tigre, grand habitué de F.B., ça ressemblait fort à une belle séance de masturbation devant un miroir sans teint grossissant – avec une caméra derrière.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Ohhhh…j’ai une idée. Et si je faisais un paragraphe par mot du titre ?

L’égoïste, c’est le Beigbeder pur jus. Du moins c’est ainsi qu’il s’est présenté à ses débuts. Le mec qui ne pense qu’à sa gueule, son plaisir, ses plans cul/drogue, tout de suite, là, maintenant. Sauf qu’ici, l’écrivain va plus loin en tentant de se dédouaner. A mon sens, cet ouvrage est avant tout une sorte de travail sur soi, à savoir parvenir à être au-dessus de la mêlée, de coucher par écrit (salvateur, forcément) l’absurdité de son univers. Mais pourquoi vouloir publier le résultat ? Par égotisme ou pour instruire la populace ?

Romantique, l’auteur l’est à sa façon en voulant attendrir le lecteur – le style aide il est vrai. Derrière ce masque néojovial qui se rit de tout et ne semble rien respecter, il y aurait l’être sensible qui, malgré de retentissants échecs, cherche à rencontrer l’amour. Sauf que je n’y ai pas cru une seconde, le protagoniste retombe trop facilement dans ses excès pour le prendre, ne serait-ce que le temps d’un chapitre, au sérieux.

…à rapprocher de :

Aucun « roman » autre que ceux de Beigbeder ne mérite d’être mis en lien dans ce billet, aussi le félin va se contenter de vous livrer les autres productions de l’auteur (par ordre de publication, pas de préférence hein) qui se trouvent sur le blog : Vacances dans le coma (mouais) ; L’amour dure trois ans (pas si mal en fait) ; Nouvelles sous ecstasy (nullissime) ; 99 francs (14,99 euros, la base) ; Windows on the World (bof) ; Un roman français (bien mieux).

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.

Jeffery Deaver - Le Singe de pierreVO : The Stone Monkey. Un vilain trafiquant aux yeux bridés qui cherche à faire disparaître tous les témoins gênants, lesquels se planquent à Chinatown, brrrr. Dans cette enquête menée tambour (hu hu) battant, agrémentée un suspense toujours aussi bien dosé et fin surprenante, tous les ingrédients semblent présents pour notre plus grand plaisir.

Il était une fois…

Tous aux abris ! Les Chinois débarquent à Long Island ! Un cargo arrive tranquillement vers les States, avec à son bord tout plein d’immigrants. Le passeur, voyant venir les garde-côtes, ne trouve rien de mieux à faire que saborder le navire. Avec les pauvres hères dedans. Mais quel salaud ! Sauf que quelques uns s’en tirent, et pour fuir l’immigration se réfugient dans le quartier chichi (Chinatown, que ça s’appelle). Et le passeur est aux trousses de tous ces témoins potentiels. Nos deux amoureux vont-ils retrouver cet ignoble trafiquant d’êtres humains ?

Critique de La Maison Le Singe de pierre

Il est sacrément bon le père Deaver. Faut dire qu’il a tout pour lui, de journaliste à avocat (au pénal j’imagine), en passant par chroniqueur judiciaire, y’a de quoi avoir plein d’idées derrière la tête. On sent le gars habitué à cet univers glauque avec un réalisme un peu trop éprouvé malgré deux héros un peu too much aux entournures.

En plus de retrouver nos deux compères habituels (le paraplégique Lincoln et sa belle nana Amelia Sachs, tous deux policiers à NYC), il faut ajouter quelques protagonistes mandarinisants de première bourre : John Sung (victime étonnante) et la famille Wu qui se planquent après avoir échappé au pire ; un flic chinois infiltré qui cherche à attraper le tueur, bien connu de ses services, et bien évidemment le principal antagoniste. Tout ce joli monde va rendre la lecture, déjà agréable, un peu plus exotique avec des conflits/frictions (puis rapprochement) entre flicaille U.S. et techniques asiatiques de limier.

Car il n’en faut pas moins pour espérer débusquer le méchant, individu tellement insaisissable qu’il se fait prénommer « Le Fantôme » (à juste titre en lisant le fin mot de l’histoire). Grâce à ce dernier, la narration assez vive est agrémentée de nombreux retournements (hélas présents que dans les derniers chapitres) même s’il n’est nul besoin d’être grand clerc pour avoir une idée de qui est qui. Entre la brutasse des services de l’immigration et d’innocents immigrants, l’auteur a su renverser un manichéisme plutôt prononcé.

Dans l’ensemble, c’est tout bonnard : non seulement ces 500 pages se liront avec une allure que je qualifierais de consternante, mais en plus nos deux héros sont profondément attachants – à ce titre, bien que l’auteur fasse gaffe à bien rappeler le contexte, lire les aventures d’Amelia et dans l’ordre peut être utile.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

D’une part, le roman dépeint un tableau que je pressens réaliste de ce qu’est la communauté chinoise aux États-Unis, et comment ces personnes gèrent le respect de leurs traditions (de leurs racines, oserais-je formuler) face à un mode de vie occidental souvent fantasmé. Le gars qui personnifie le mieux cet état de cul-entre-deux-grosses-chaises est Sonny Li, le flic en mode sous-marin qui associe analyse toute rationnelle (un vrai pro dans son genre) avec quelques méthodes (proches de la superstition) bien de chez lui. Et ça fonctionne !

D’autre part, le roman donne une image guère flatteuse de la façon dont sont traités les immigrés désireux de poser leurs valises chez l’Oncle Sam. Je passerai rapidement sur l’espoir entretenu par ces braves gars qui ont fui de terribles situations, on ne quitte pas son pas par gaieté de cœur. Si les réfugiés se carapatent dans le quartier chinois, il appert que c’est autant pour se cacher du tueur que d’éviter de tomber sur les services de l’immigration. Le must du must reste un blessé qui, n’étant pas si grièvement atteint, est rapidement extirpé de l’hosto pour être envoyé en prison pour entrée illégale sur le territoire américain. La grande classe.

…à rapprocher de :

– Le fauve a lu pas mal de Deaver, pour l’instant il n’y a que L’homme qui disparaît sur le gueblo.

– Sur les particularités de la communauté asiatique, ici version française et en rapport avec le Japon, Le samouraï qui pleure de Scarlese vaut le détour.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.