VO : The Harvest [la moisson. Quel est le putain de rapport avec le titre français ?]. Un objet spatial immense qui fait une proposition à l’Humanité qu’il est difficile de refuser, ce serait presque une critique douce-amère de l’impérialisme ravageur si la transition offerte par E.T. n’était pas si bien gérée. Encore une jolie fable d’un auteur dont les titres sont peu portés sur l’action.
Il était une fois…
Depuis près d’un an, y’a comme une drôle de grosse crotte au-dessus de la Terre. Un vaisseau spatial, cool ! Sauf que ce dernier n’est décidément pas bavard, on ne sait rien de ses intentions et ce n’est pas faute d’avoir tenté d’engager une petite conversation. Jusqu’à une nuit (fort longue) pendant laquelle les Voyageurs expliquent, en rêve, ce qu’ils foutent au-dessus de nos têtes. Le rêve ressemble à peu près à ça : « salut terrien, on te propose de te fondre dans notre vaisseau, devenir immortel et parcourir le vaste univers dans une félicité des plus totale. T’es chaud ? » Inutile que tout le monde est partant, à part 0,01% de la population qui préfère rester sur le plancher des vaches. Qu’adviendra-t-il d’eux ? La proposition des Voyageurs sentirait pas un peu l’arnaque d’ailleurs ?
Critique du vaisseau des Voyageurs
Ce que j’aime avec Wilson est la façon qu’il a, à partir d’une idée de scénar’ somme toute géniale, laisser la SF de côté pour une aventure avant tout humaine. On ne concentre sur une poignée d’individus qui sont au centre d’évènements d’une ampleur presque apocalyptique, seuls leurs ressentis personnels sur ce qui se passe autour d’eux comptent.
Le héros auquel l’auteur s’attache est Matt Wheeler. Pourquoi lui ? Parce qu’il est un des rares à avoir refusé la propal’ des Voyageurs et compte terminer ses jours sur Terre. Heureusement que l’Humanité, pas vraiment prête à un tel changement de paradigme, se fera aider des E.T. (qui ressemblent plus à des I.A. à mon sens) qui envoient de l’aide (des robots) pour gérer l’après « élévation ». Sauf que la transformation de ceux qui vont partir s’opère par étapes, et chacun décide sous quelle forme il ira rejoindre le vaisseau – j’ai notamment souvenir d’un beau papillon de verre.
L’histoire, uniquement vue du côté d’une poignée d’irréductibles, accuse quelques longueurs qui ajoutent certes une touche d’onirisme (on s’éloigne encore plus de la SF pure), mais les aspects dramatiques (cf. infra) auraient mérité d’être raccourcis. Près de 600 pages pour de nombreuses péripéties dont on aurait pu se passer (exemple des luttes intestines qui n’apportent guère), heureusement que la profondeur des protagonistes est optimale et donne envie d’aller jusqu’au bout.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Le premier thème donne le vertige, puisque l’auteur canadien aborde la question de l’immortalité sous un angle inédit. Dans l’esprit de ceux qui ont décidé de rester sur Terre, le fait d’avoir accepté fait perdre aux individus leur condition d’être humain. Parcourir l’univers l’esprit « prisonnier » dans un super-ordinateur, le saut transhumaniste est un peu brutal. Intéressantes sont également les raisons qui ont poussé certains à refuser l’offre des Voyageurs, puisque cela va de la peur de l’inconnu au désir de terminer quelque chose sur la planète bleue.
La conclusion, à mon sens, est qu’en l’état actuel de la science, le destin d’un homme est de mourir. Être en mesure d’échapper à la mort est, pour l’instant, contre-nature, surtout aux yeux de ceux qui voient leurs proches se désintéresser des choses matérielles jusqu’à prendre leur envol vers l’espace.
Il est enfin question de la survie de l’espèce humaine lorsque 9 999 personnes sur 10 000 quittent le sol terrien. Comme je le disais, R.C. Wilson se concentre sur les survivants qui font face à la désertion progressive de leur habitat. Déjà, le climat part correctement en sucette parce que les extraterrestres décident de nettoyer la place de toute la pollution engendrée par l’Homme. Ensuite, et en l’absence à venir de gouvernement, chacun s’organise en communautés pour mener un semblant de continuation politique. L’électricité se fait rare (malgré la maintenance par des robots) et les communications reviennent des décennies en arrière.
Cette nouvelle configuration, fatalement, apporte son lot de guérillas (contre les E.T.) et de luttes internes. Les barrières sociétales disparaissant, les individus à qui il manque une case peuvent alors s’en donner à cœur joie. Ces descriptions d’humains se comportant parfois comme des bêtes contraste alors avec les autres, dont l’esprit est déjà tourné vers le vaisseau.
…à rapprocher de :
Du père Wilson, il y a énormément à dire et à lire : la base, c’est la saga Spin, Axis et Vortex. Point barre. En moins long, Mysterium est un peu chiant tandis que Blind Lake et Les Chronolithes ont les faveurs du Tigre. Quant à Julian, c’est certes plus long, mais un peu en deçà de ce qu’on peut attendre de Wilson.
– Et puis quelques nouvelles bien sympatoches, du genre YFL-500 ou La cabane de l’aiguilleur.
– Sinon, en mode « parano », l’histoire du bâtiment qui flotte au-dessus de la ville, si le quatrième de couv’ ne spoilait pas à ce point, m’aurait rappelé rappelé le film Independence Day. Chacun a ses références, ne vous moquez pas.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici .
VO : Batman Earth-One, vol.1. Oubliez l’histoire « classique » du petit Wayne et du pedigree de son environnement, Geoff Johns a décidé de prendre les même et recommencer. Nos protagonistes bien connus ne sont pas vraiment les mêmes, et les péripéties annoncent une saga somptueuse. Putain, c’est pas Asterix ou Tintin qui auraient droit à un tel dépoussiérage.
Vocabulaire ordurier et chantant, histoire amorale mais hilarante, personnages déglingués et abus de stups, Johann Zarca est un auteur qui encule avec allégresse les canons littéraires communément admis. C’est rafraîchissant et jouissif, la littérature vandale a de beaux jours devant elle.
Cinquième tome du très félin détective privé Blacksad, Le Tigre a été profondément déçu. Excessivement alambiqué et peu crédible, toutefois ne crachons donc point dans la soupe : pour une fois, l’histoire fait la part belle à la littérature et aux écrivains de la génération beat. Un ouvrage qui reste de qualité, hélas c’est presque le pire de la série.
VO : [impossible de trouver le titre, si quelqu’un a une idée…]. Les histoires de Jørn Riel (quatre en l’occurrence), adaptées par Gwen de Bonneval (au scénar’) et Hervé Tanquerelle (illustrateur), sont aussi tendres qu’acides. L’univers du Groenland, terre pas aussi inhospitalière qu’on pourrait le croire, apporte de belles surprises littéraires au Tigre.
300 pages qui se lisent laborieusement ; des personnages peu attachants et que je n’arrive pas à me représenter ; une intrigue autour de la bête du Gévaudan version Sud-Est un peu cheap ; une autre autour d’une vengeance après une interpellation qui a mal tourné ; mystère qui ne prend guère ; un final décevant car capillotracté, bref passez votre chemin.
Ne vous inquiétez point, cher lecteur, Le Tigre ne va pas vous taper la discute au sujet d’un chaton prisonnier dans une caisse et dont la survie, selon un savant au nom vaguement germanique, dépendrait d’une cantique quonnerie. Pas le genre de la maison, on n’est pas là pour s’instruire. Seulement tenter de se mettre à niveau des félins. Donc très très bas. Préparez les pelles.
L’écologie en bas de chez moi, c’est un peu l’illustration du Not in my own backyard à la française. Virulent pamphlet à l’humour corrosif où les figures vertes (Al Gore, Nico Hulot, Yann Arthus Bertrand) en prennent plein la gueule, en moins de 200 pages on sent l’auteur qui s’est fait plaisir en ne se posant aucune limite. On en redemanderait presque.
Un auteur sensible et souvent drôle, un roman graphique d’excellente facture (encore, ai-je envie de dire), une biographie touchante et simple, Paul en appart’ se lit en une petit heure à peine. De la rencontre avec Lucie au premier appartement dans lequel le couple s’installe, c’est hélas trop court. Au moins ça peut se relire un nombre incalculable de fois.
« Salut Titi. Écoute, je suis présentement bloqué dans un endroit un peu chiant. Je ne parle pas du salon du livre, mais c’est comme si. Étant donné que je risque d’y poireauter quelque années, j’aimerais que tu me conseilles quelques bouquins pour supporter Vendredi. C’est vital. Bises. Robinson C. PS : tu n’aurais pas une ou deux catins à me fournir en plus ? Parce que Vendredi… «
Sous-titre : 20 récits pour en finir avec l’Apocalypse. Maison d’édition indépendante aux artistes aussi créatifs que subversifs, Tigre s’est fait plaisir à lire un recueil sur un sujet mille fois abordé. Beaucoup de textes courts et bons, quelques uns plus longs et enchanteurs, il faut convenir que la fin du monde, souvent traitée de manière originale, se porte plutôt bien.
VO : House of leaves. Comment dire ? Génial et improbable, violent et parfois insupportable, Tigre comprend que l’auteur américain a mis dix piges pour pondre cet OVNI littéraire. Sous couvert de l’exploration d’une baraque labyrinthique et piégeuse (cf. la couverture, presque une toile d’araignée), ce roman est l’alpha et l’oméga de la puissance de la littérature.