Robert Charles Wilson - Le vaisseau des VoyageursVO : The Harvest [la moisson. Quel est le putain de rapport avec le titre français ?]. Un objet spatial immense qui fait une proposition à l’Humanité qu’il est difficile de refuser, ce serait presque une critique douce-amère de l’impérialisme ravageur si la transition offerte par E.T. n’était pas si bien gérée. Encore une jolie fable d’un auteur dont les titres sont peu portés sur l’action.

Il était une fois…

Depuis près d’un an, y’a comme une drôle de grosse crotte au-dessus de la Terre. Un vaisseau spatial, cool ! Sauf que ce dernier n’est décidément pas bavard, on ne sait rien de ses intentions et ce n’est pas faute d’avoir tenté d’engager une petite conversation. Jusqu’à une nuit (fort longue) pendant laquelle les Voyageurs expliquent, en rêve, ce qu’ils foutent au-dessus de nos têtes. Le rêve ressemble à peu près à ça : « salut terrien, on te propose de te fondre dans notre vaisseau, devenir immortel et parcourir le vaste univers dans une félicité des plus totale. T’es chaud ? » Inutile que tout le monde est partant, à part 0,01% de la population qui préfère rester sur le plancher des vaches. Qu’adviendra-t-il d’eux ? La proposition des Voyageurs sentirait pas un peu l’arnaque d’ailleurs ?

Critique du vaisseau des Voyageurs

Ce que j’aime avec Wilson est la façon qu’il a, à partir d’une idée de scénar’ somme toute géniale, laisser la SF de côté pour une aventure avant tout humaine. On ne concentre sur une poignée d’individus qui sont au centre d’évènements d’une ampleur presque apocalyptique, seuls leurs ressentis personnels sur ce qui se passe autour d’eux comptent.

Le héros auquel l’auteur s’attache est Matt Wheeler. Pourquoi lui ? Parce qu’il est un des rares à avoir refusé la propal’ des Voyageurs et compte terminer ses jours sur Terre. Heureusement que l’Humanité, pas vraiment prête à un tel changement de paradigme, se fera aider des E.T. (qui ressemblent plus à des I.A. à mon sens) qui envoient de l’aide (des robots) pour gérer l’après « élévation ». Sauf que la transformation de ceux qui vont partir s’opère par étapes, et chacun décide sous quelle forme il ira rejoindre le vaisseau – j’ai notamment souvenir d’un beau papillon de verre.

L’histoire, uniquement vue du côté d’une poignée d’irréductibles, accuse quelques longueurs qui ajoutent certes une touche d’onirisme (on s’éloigne encore plus de la SF pure), mais les aspects dramatiques (cf. infra) auraient mérité d’être raccourcis. Près de 600 pages pour de nombreuses péripéties dont on aurait pu se passer (exemple des luttes intestines qui n’apportent guère), heureusement que la profondeur des protagonistes est optimale et donne envie d’aller jusqu’au bout.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Le premier thème donne le vertige, puisque l’auteur canadien aborde la question de l’immortalité sous un angle inédit. Dans l’esprit de ceux qui ont décidé de rester sur Terre, le fait d’avoir accepté fait perdre aux individus leur condition d’être humain. Parcourir l’univers l’esprit « prisonnier » dans un super-ordinateur, le saut transhumaniste est un peu brutal. Intéressantes sont également les raisons qui ont poussé certains à refuser l’offre des Voyageurs, puisque cela va de la peur de l’inconnu au désir de terminer quelque chose sur la planète bleue.

La conclusion, à mon sens, est qu’en l’état actuel de la science, le destin d’un homme est de mourir. Être en mesure d’échapper à la mort est, pour l’instant, contre-nature, surtout aux yeux de ceux qui voient leurs proches se désintéresser des choses matérielles jusqu’à prendre leur envol vers l’espace.

Il est enfin question de la survie de l’espèce humaine lorsque 9 999 personnes sur 10 000 quittent le sol terrien. Comme je le disais, R.C. Wilson se concentre sur les survivants qui font face à la désertion progressive de leur habitat. Déjà, le climat part correctement en sucette parce que les extraterrestres décident de nettoyer la place de toute la pollution engendrée par l’Homme. Ensuite, et en l’absence à venir de gouvernement, chacun s’organise en communautés pour mener un semblant de continuation politique. L’électricité se fait rare (malgré la maintenance par des robots) et les communications reviennent des décennies en arrière.

Cette nouvelle configuration, fatalement, apporte son lot de guérillas (contre les E.T.) et de luttes internes. Les barrières sociétales disparaissant, les individus à qui il manque une case peuvent alors s’en donner à cœur joie. Ces descriptions d’humains se comportant parfois comme des bêtes contraste alors avec les autres, dont l’esprit est déjà tourné vers le vaisseau.

…à rapprocher de :

Du père Wilson, il y a énormément à dire et à lire : la base, c’est la saga Spin, Axis et Vortex. Point barre. En moins long, Mysterium est un peu chiant tandis que Blind Lake et Les Chronolithes ont les faveurs du Tigre. Quant à Julian, c’est certes plus long, mais un peu en deçà de ce qu’on peut attendre de Wilson.

– Et puis quelques nouvelles bien sympatoches, du genre YFL-500 ou La cabane de l’aiguilleur.

– Sinon, en mode « parano », l’histoire du bâtiment qui flotte au-dessus de la ville, si le quatrième de couv’ ne spoilait pas à ce point, m’aurait rappelé rappelé le film Independence Day. Chacun a ses références, ne vous moquez pas.

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Johns & Frank - Batman : Terre-Un, Tome 1VO : Batman Earth-One, vol.1. Oubliez l’histoire « classique » du petit Wayne et du pedigree de son environnement, Geoff Johns a décidé de prendre les même et recommencer. Nos protagonistes bien connus ne sont pas vraiment les mêmes, et les péripéties annoncent une saga somptueuse. Putain, c’est pas Asterix ou Tintin qui auraient droit à un tel dépoussiérage.

Il était une fois…

Bruce Wayne n’est pas encore un héros, et son alter-ego Batman est presque un touriste. Dans l’univers de Terre-1, quelques subtiles modifications font que notre homme chauve-souris doit se battre contre le maire, est poursuivi par une police corrompue et a pour principal allié Alfred, ancien militaire qui n’a plus grand chose à voir avec un majordome. L’aspect « détective policier » est bien loin, en piste.

Critique du premier tome de Batman : Terre-Un

Tigre n’a pas tout saisi le bordel tournant autour de la Crisis on Infinite Earths, si ce n’est que DC Comics a décidé, il y a quelque temps déjà, d’arrêter les frais question univers multiples pour ce concentrer sur un seul. Ce comics, publié en 2012 dans le cadre du thème « Renaissance DC », reprend l’idée originelle de Terre-1 en imaginant ce que pourrait être le début du Bat dedans.

Du coup, l’histoire est diverge de manière assez fine par rapport à ce qu’on connaît de la jeunesse et des premiers pas de Bruce Wayne. Si le jeune héritier va tenter de retrouver l’assassin de ses parents, il devra faire face à une pègre menée par le maire de Gotham City (dont la police dépend) et un tueur sous stéroïde qui martyrise les gosses, Happy Birthday, sorte de mastoc surstéroïdé qui ressemble à s’y méprendre à Salomon Grundy.

Le scénario de Geoff Johns et Jonathan Sibal est bien ficelé et, dans ce premier tome (sur trois, chouette), Batman va poser les jalons de ce qui deviendra une légende. Sans compter la dernière planche qui annonce une suite tout à fait excitante avec qui on devine être Enigma en personne. Quant aux illustrations de Gary Frank (dessins) et Brad Anderson (couleurs), c’est résolument moderne avec un trait précis et que je me plais à penser assisté par ordinateur.

Si les planches font plaisir aux yeux avec des protagonistes superbement rendus (quelle précision !) et un réalisme éprouvé niveau muscles ou visages, Tigre a regretté l’absence de grands tableaux architecturaux (à part une double planche ou deux). Au final, une bouffée d’air qui montre que les possibilités vis-à-vis d’un super-héros sont infinies, et sortir du carcan de nos habitudes est aussi jouissif qu’interpelant.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Le reboot d’un personnage. Non seulement les auteurs ont décidé d’imaginer un nouveau début pour Wayne, mais ils en ont profité pour placer les intervenants (gentils comme méchants) un peu n’importe comment : Alfred P. est un ex-militaire, père de substitution, qui va apprendre à Bruce à se battre ; le Pingouin est le maire ; le bon Gordon est un ripou de première bourre et seul un flic/acteur de L.A. semble propre ; les parents sont tués dans la même allée mais à cause d’un film ; Dent est quelqu’un de différent. Mais le lien est réel avec l’histoire d’origine, il est aisé de remarquer qui est où et ce qui a changé. Par exemple, Lucius Fox, reste black (ils auraient pu choisir un Asiatique fort en électronique tant qu’à faire)…

La naissance d’une légende. Batman ne s’est pas fait en un jour, loin de là. On voit notre héros se faire sévèrement malmener et se rater dans les grandes largeurs au début. Sa volonté de ne pas user les armes est mise à mal par Alfred et, comme dans l’histoire d’origine, ceux qui découvrent sa réelle identité ne décèdent pas par sa faute. Sauf que la chauve-souris n’est pas la seule à être faible dans une ville corrompue : le père Gordon est une petite donneuse de première qui est coincé entre la pègre et son petit monde douillet où sa famille (dont la belle Barbara, qui se rêve en héroïne masquée) ne risque rien. Bizarre de le voir engueuler un flic qui s’indigne du fait qu’il soit marron.

…à rapprocher de :

– Parallèlement, DC Comics surfe sur la vague en s’occupant de  Superman Terre-Un, de Strackzinsky & Davis. Celui-là, je ne le louperai pas.

– Les premiers pas de Batman, c’est surtout l’énorme Année Un de Frank Miller et de David Mazzucchelli. Un classique. Gordon fat quelques faux pas également.

– Il ne faut pas oublier que Terre-Un est celle de la Ligue de Justice d’Amérique, en grande difficulté dans JLA : Crise d’identité, de Meltzer et Morales.

– Sur une histoire du Batou profondément divergente, imaginez la chauve-souris au XIXème siècle avec Augustyn. Voire le Batman à travers les âges grâce aux offices du bon Morrison dans Batman : Le retour de Bruce Wayne.

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Johann Zarca - Le boss de BoulogneVocabulaire ordurier et chantant, histoire amorale mais hilarante, personnages déglingués et abus de stups, Johann Zarca est un auteur qui encule avec allégresse les canons littéraires communément admis. C’est rafraîchissant et jouissif, la littérature vandale a de beaux jours devant elle.

Il était une fois…

Après un rapide (quatre mois) passage en zonzon, le narrateur décide de prendre en main le bois de Boulogne et être le dealeur exclusif de ses prostitués. Aidé de sa clique (Souleymane, Makita, Youssouf, Vamp) et de ses burnes, le boss de boubou va à coup de tatanes se faire une place. Mais c’est sans compter les gitans, les flics et un tueur en série, tous fermement décidés à bien lui pourrir le biz’.

Critique du Boss de Boulogne

Avant de commencer une trikite un tant soit peu destructive, faut que vous sachiez que Le boss de Boulogne m’a été gracieusement offert des mains même de l’auteur. Après avoir dégagé les boulettes de chichon qui émaillaient les pages et essuyé un truc vaguement collant près de la dédicace, j’ai mis moins de deux heures à terminer l’ouvrage. Et ce n’était pas gagné, jugez les premières phrases :

J’ai la tête qui tourne et l’envie de gerber qui va avec. Tendu ! Je ne me remets pas de ma biture. Faut dire qu’avec les potes, hier, on ne s’est vraiment pas respectés. J’ai conservé un sale goût de sky dans la bouche et un trou de boulette dans mon survêt.

Le reste n’est qu’une suite de vocables et tournures de phrases de ce genre. A un tel point que Le Tigre a décidé d’en parler dans son premier thème (cf. infra). Outre le vocabulaire, le lecteur découvrira le Bois et les pérégrinations du boss qui, entre deux whiskies et la prise de coke / shit / [choisissez ce que vous voulez], fournit la populace locale (et ceux qui s’y aventurent) en produits stupéfiants.

Le scénar’, on s’en foutrait presque si la fin de l’œuvre nous apportait pas une réponse déconcertante, même si on s’y attendait un peu, de la raison des meurtres en série qui faisaient flipper les habitants du Bois. L’écrivain se concentre, niveau description, sur ses sentiments (la rage, le seum’, la parano grandissante), quelques scènes de tortur…euh combats et le physique des michetonnes – bandantes à souhait si celles-ci n’étaient pas des transsexuels. Les dialogues sont l’occasion de rajouter une dernière couche de crade pour finir de planter un décor déjà bien glauque.

En conclusion, une petite mignardise de mauvais goût comme Tigre en affectionne. Pas plus de 180 pages, et franchement c’est la taille adéquate pour ce genre de romans. Ne vous inquiétez point, le contenu est loin d’être une apologie de la prostitution ou de l’usage de drogues. Entre les putains qui se font défourailler et défoncer de partout et la « crew » du boss dont la santé périclite à vitesse grand V, on ne souhaite pas être dans leurs baskets plus d’une nuitée.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La littérature underground. Pas facile à lire, il faut savoir que Zarca tape dans un style unique que je qualifierais de « bâtard » (le prend pas mal mec) : il s’agit d’un mélange d’argot oldschool souvent mis en verlan, de termes manouches (michton, bicrave, etc.), de javanais version banlieusarde ou d’expressions toutes droit sorties d’un film de boules. Là où Johann Z. fait fort, c’est qu’il parvient à mélanger le tout et à rester constant dans la dégueulasserie, sans répétitions trop lourdes (certains termes reviennent certes plus que de raison) ni impression d’utiliser ces mots juste pour verser dans le trash.

Pour être habitué de l’auteur/blogueur et connaître sa cohérence dans la « vandalisation littéraire », toute ceci m’a bien fait marrer même si après 150 pages j’étais content que ça se termine (la faute à une lecture de bout en bout). La mauvaise foi du héros, en particulier, est fandarde à souhait : le boss est un homophobe comme les racailles violentes savent l’être, sauf qu’à force de traîner autour des trans’ il a les burnes proches de l’explosion. Je vous laisse imaginez ce qu’il peut se passer dans sa tête et comment il se sent après avoir tiré son coup…

Ce roman est également l’occasion d’avoir une visite guidée du bois de Boulogne. Le père Zarca a salement traîné ses guêtres dans la zone, c’est certain. Sa connaissance de la topologie putassière est impressionnante, entre la rue des prix cassés, les tapins près de la Croix Catalan ou la rue de la Reine-Marguerite. A l’instar d’un Tolkien qui nous introduit dans un monde inconnu, le félin n’aurait pas craché sur un plan du Bois livré en début de roman avec le nom des lieux abordés. Tigre a beau parcourir cet endroit (pour le parcours sportif, ne fantasmez pas), j’imagine qu’un lecteur lambda serait correctement largué.

…à rapprocher de :

Comme je le disais, Johann sévit sur le blog du Mec de l’underground. Billets à ne pas montrer à votre maman hein.

– Le mec de l’underground est un fan d’Iceberg Slim, auteur/dealer américain qui a écrit, par le menu, ses frasques dans l’univers de la drogue. Connais pas, essaierai.

– Pour ma part, je suis plutôt porté sur Donald Goines dont les descriptions des drogués et de l’économie noire font froid dans le dos. Par exemple L’accroc ou Ne mourrez jamais seul. Réaliste et dur.

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Canales & Guarnido - Blacksad : AmarilloCinquième tome du très félin détective privé Blacksad, Le Tigre a été profondément déçu. Excessivement alambiqué et peu crédible, toutefois ne crachons donc point dans la soupe : pour une fois, l’histoire fait la part belle à la littérature et aux écrivains de la génération beat. Un ouvrage qui reste de qualité, hélas c’est presque le pire de la série.

Il était une fois…

Le chien-reporter, Weekly, laisse Blacksad à la Nouvelle-Orléans. Ce dernier veut y trouver du taf, et par plusieurs hasards il croise la route de Chad Lowell et Abe Greenberg, deux écrivains beatniks à qui il manque plus ou moins une case. Ceux-ci lui ont tapé la voiture que le héros s’était engagé à déposer dans un endroit précis, hélas quand un des écrivains tue son comparse, l’histoire se complique passablement.

Critique du Blacksad : Amarillo

Blacksad, c’est un chat. Forcément que j’accueille chaque nouvel épisode de Dias C. et Juanjo G. avec une certaine avidité…. Autant vous le dire de go, c’est plutôt mauvais. Le seul point positif est l’arrivée de nouveaux protagonistes (on fait la connaissance de la soeur du perso principal !) et l’impression que Weekly occupe une place de plus en plus importante.

Sur le scénar’, le lecteur suivra deux groupes dans des péripéties un poil too much. D’un côté, Blacksad part à la poursuite de deux voleurs et fait des rencontres assez cocasses, comme un avocat plus ou moins véreux (beau parleur, presque une caricature) ou des bikers sympas (rien à voir avec l’expérience d’Hunter S. Thompson, c’est louche). De l’autre côté, les deux écrivaillons, poètes à leurs heures, foutent leur daroi jusqu’à ce que Chad commette l’irréparable. Il s’ensuit une fuite en avant, du fin fond du Texas jusqu’à Chicago, en passant par un cirque (pas bien saisi l’utilité de cette péripétie).

Niveau dessin, si vous pouvez vous reporter aux critiques d’autres titres de la série, faut savoir que ce n’est aussi bien léché que d’habitude : quelques belle planches certes (et des personnages/animaux bien trouvés), néanmoins le tout fait brouillon par rapport à ce que Guarnido produit comme travail. Les détails sont moins finauds, les raccourcis plus nombreux (exemple des courses-poursuites) et l’environnement moins bien rendu. Comme si les auteurs étaient pris à la gorge par les délais à tenir.

Au final, on peut applaudir les auteurs à changer totalement de monde (cf. infra) et créer une histoire complète mais peu crédible (le hasard fait trop bien les choses dans Amarillo). Eu égard les précédents tomes publiés, Le Tigre ferme sa gueule, cependant j’espère que le prochain se rattrapera.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Ce tome est un intense hommage à ce qu’on appelle la « beat generation », à savoir un genre littéraire américain survolté et alcoolisé des années 50. Des écrivains qui noircissent autant des pages que leurs casiers judiciaires, et ce pour le plus grand plaisir de leurs lecteurs, ça change de Beigbeder. D’ailleurs les noms des protagonistes ne sont pas difficiles à saisir : Abe Greenberg, ce n’est rien d’autre qu’Allen Ginsberg. Quant à Chad, nom de famille renvoie à Lowell, une ville américaine qui a vu naître Jack Kerouac. Rien que ça.

Comme je le disais, à partir de l’affrontement entre les deux auteurs, un mort est à déplorer. Les flics environnants et ceux qui en veulent particulièrement à Blacksad pensent que ce dernier est responsable. Le héros se jette donc à la poursuite de Chad dans sa Cadillac Eldorado pour une aventure qui a tout du road movie. Et c’est à ce moment que les canons de ce genre artistique (les grandes étendues désertiques, les rencontres d’individus uniques, l’impression grisante de liberté) sont égrenés par les auteurs. Le road movie et la beat generation, en fait Amarillo est un gros clin d’oeil à Kérouac et son Sur la route (manque plus que la dope). Enfin je l’ai vu ainsi.

…à rapprocher de :

– Commencer par le premier tome paraît bienvenu pour savoir de qui on parle (Quelque part entre les ombres), le second est plus que correct (Artic-Nation), le troisième se défend même si l’ai moins aimé (Âme rouge), le quatrième est une pépite (L’Enfer, le silence).

– Sur la Beat generation, j’ai vaguement entendu parler de Kerouac ou Ginsberg. En revanche, le père Burroughs, je l’ai bien bossé. A part Le festin nu, Tigre a particulièrement aimé Junky.

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Riel & de Bonneval & Tanquerelle - Le roi Oscar et autres racontarsVO : [impossible de trouver le titre, si quelqu’un a une idée…]. Les histoires de Jørn Riel (quatre en l’occurrence), adaptées par Gwen de Bonneval (au scénar’) et Hervé Tanquerelle (illustrateur), sont aussi tendres qu’acides. L’univers du Groenland, terre pas aussi inhospitalière qu’on pourrait le croire, apporte de belles surprises littéraires au Tigre.

Il était une fois

Jørn Riel est un Danois qui a passé une quinzaine d’années au Groenland dès les années 50. Il y est notamment allé, dans le cadre d’une expédition scientifique, au Nord-Est d’une île (Ella je crois bien) dans une base d’étude. Pendant toutes ces années, il a pu écouter les histoires des locaux et a rédigé un joli tas de volumes à ce sujet. Voici ces fameux racontars en versions illustrées.

Critique du Roi Oscar (et autres racontars)

Il arrive au Tigre, dans une librairie, de fermer les yeux et prendre un titre au pif. C’est un jeu auquel je m’abonne une fois par mois, et sur ce coup j’ai eu le cul bordé de nouilles sauce bolognaise. J’ai dévoré avec avidité la centaine de pages et ai eu envie d’aligner tous les tomes des histoires de Riel mises en BD.

Cet opus comporte quatre racontars. 1/ Un repas de funérailles au cours duquel les convives (qui veulent absolument garder le macchabée sur leur chaise) se la collent sévère. La fin est délicieuse et à mourir de rire. 2/ Deux individus, habitant la même barque, qui se chamaillent (jusqu’à tirer des coups de feu) pour jouir d’une cabane à WC – au lieu de se répandre dans la nature. 3/ Le fameux Roi Oscar, cochon domestique dont s’entiche un protagoniste, au détriment de son colloc’ (ma préférée). 4/ Un jeune cultivé qui débarque chez les trappeurs pour y passer deux années (touchant).

La dernière nouvelle m’a semblé plus ou moins autobiographique, comme une représentation de l’auteur qui, déçu par son séjour, se meurt d’ennui et ne pense qu’à retourner au bercail….jusqu’à la révélation. De l’ensemble de la BD, il ressort également un humour à la fois fin (entendez, pas trop gras ni burné pour une partie du monde dépourvue de femmes) et excessif dans la mesure où certaines histoires contées semblent trop belles pour être vraies. Particulièrement celle du cochon, où la folie est poussée à un paroxysme aussi hilarant que violent.

L’illustrateur a produit un boulot d’une rare qualité. Pages en noir et blanc qu’on croirait passées au fusain, certaines planches présentent des plans d’ensemble (qui d’un somptueux paysage, qui d’une maison, qui de dix potes autour d’une table) qui font plaisir aux yeux. Quant aux protagonistes, Tanquerelle parvient à mélanger les genres : soit les traits sont caricaturaux et rigolards, soit le réalisme est frappant, par exemple les regards de certains Groenlandais à qui il manque une case. Ce qui rend encore plus poreuse la frontière entre ce qui est exagéré de ce qui est fidèle à la réalité.

Au final, de Bonneval a su superbement adapter les histoires du Danois dans un univers graphique, et fatalement je me suis posé la question de la réalité de telles anecdotes. Et l’auteur danois, intelligemment, répond avec la définition qu’il donne du « racontar » : une histoire vraie qui pourrait passer pour un mensonge. À moins que ce ne soit l’inverse.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La première chose qui me vienne à l’esprit est que les gens là-bas sont de vrais gueudins. Y’a pas d’autres termes pour les qualifier. Je ne sais pas dans quelle mesure le climat les dévore (le froid, la nuit polaire, les étendues immenses), toutefois les loustics s’attaquent quotidiennement à l’alcool et bouffent pour dix. Certes souriants, on voit toutefois qu’ils sont rudes et sans pitié. Parallèlement, et question hygiène, on ne les voit que chier, jamais se laver. A quoi bon, aucune femme n’est présente à des lieues à la ronde – des femelles à la rigueur, et c’est là le problème…si vous me suivez.

J’ai rapidement évoqué le climat, cependant la nature mérite un paragraphe. C’est le sujet de la dernière histoire avec le nouvel arrivant qui tombe vite des nues. L’environnement n’est pas si beau, notamment le sol qui est dégueulasse (jonché de débris), et la nuit polaire qui n’en finit pas. De quoi être dépressif. Néanmoins la nature sait se faire bonne en fournissant de quoi manger et concevoir des fourrures qui seront vendues, voire échangées contre des barriques de bière, du pétrole ou du tabac. J’ai surtout eu le sentiment d’une vie faite d’habitudes, de gestes quotidiens associés à une discipline organisationnelle si on ne veut pas dépérir et devenir dingue.

…à rapprocher de :

– Ces auteurs ont d’autre BD dans leurs besaces, à savoir La Vierge froide et autres racontars. Vais me la taper celle-là (la bande dessinée hein…). Et Un petit détour et autres racontars (toujours excellent). Dommage qu’une intégrale ne soit pas sortie.

– Le grand nord, la solitude, la rudesse du climat, ça me rappellerait presque le bon Conan et ses aventures testostéronées adaptées en BD. Pour l’instant, je n’ai lu que La reine de la côte noire. Pas mal.

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Fred Vargas - L'Homme à l'envers300 pages qui se lisent laborieusement ; des personnages peu attachants et que je n’arrive pas à me représenter ; une intrigue autour de la bête du Gévaudan version Sud-Est un peu cheap ; une autre autour d’une vengeance après une interpellation qui a mal tourné ; mystère qui ne prend guère ; un final décevant car capillotracté, bref passez votre chemin.

Il était une fois…

J’aime bien le quatrième de couverture, c’est concis et ça illustre à la fois les problèmes de ce roman :

« Réintroduire des loups dans le Mercantour, c’était une belle idée. Évidemment, on n’a pas tenu compte de l’opinion des bergers et, quelques mois plus tard, la révolte gronde. Mais est-ce bien un loup qui tue les brebis autour de Saint-Victor ? Les superstitions ressurgissent, un bruit se propage : ce n’est pas une bête, c’est un homme, un loup-garou. Lorsque Suzanne est retrouvée égorgée, la rumeur devient certitude : les loups n’agressent pas les hommes. À Paris, devant sa télé, le commissaire Adamsberg guette les nouvelles de la Bête du Mercantour, d’autant plus intrigué qu’il a cru reconnaître Camille sur la place de Saint-Victor… »

Critique de L’Homme à l’envers

Tigre n’est pas forcément grand fan de thrillers assez basiques mettant en scène le même personnage (sauf exception). Si je connais un peu les titres de la mère Vargas, je m’en suis à nouveau jeté un derrière les mirettes pour voir ce qu’il en est. Le souci est que je n’étais pas assez familier du passif des héros pour pleinement savourer ce titre qui est un ouvrage pour les connaisseurs.

Le scénario, à savoir des meurtres sur fond de croyances ataviques néo-agricoles, aurait pu être épuré si Fred V. n’avait pas décidé d’impliquer le flic récurrent de sa série (qui habite pourtant Paris) et la belle Camille (mi-compositrice, mi-plombière). L’intrigue propre à Adamsberg ne sert à rien, et celle relative à Cam’ est gâchée par une poursuite de celui qu’on pense être le coupable au travers le Mercantour (et au-delà).

C’est certes correct dans l’ensemble (ai lu pire), néanmoins on est loin du big panard de lecture. Le style n’est pas toujours compréhensible, c’est même parfois lourd. Je soupçonne d’ailleurs l’auteure d’avoir voulu verser dans le genre « paysan », à savoir quelques maximes supposément bien senties mais qui tombent à plat : par exemple, les réflexions des protagonistes sur l’amour sont sans doute justes, mais souvent malvenues et tendent à rallonger inutilement la lecture (et si vous rajoutez des chapitres plutôt longuets…).

En conclusion, j’espère qu’il y a mieux chez cette écrivaine. Parce que la seconde partie m’a profondément ennuyé, et surtout j’étais vexé comme un pou par le dénouement. Sans spoiler, si je m’en doutais un peu, seul me manquait le mobile. Et le voilà qui arrive, aussi improbable qu’indevinable, dans les dernières pages. Scandâââle.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Le titre est intéressant, au moins. Tigre a pu apprendre sur les croyances populaires du Sud de la France où les loups sévissaient à une certaine époque. Et comme on les a réintroduit, très vite la populace imagine des trucs fantastiques. Notamment les fameux loups-garous, hommes qui se transforment la nuit. Un « homme à l’envers » n’a aucune pilosité à l’extérieur, car tous ses poils seraient à l’intérieur de son corps. Imaginez la finesse logique que cela induit : pour le prouver, suffit de l’inciser de la bitte jusqu’au coup, et on verra tous ses poiluchons dans le corps. Bon, s’il n’en a pas, il est innocent (et mort au passage).

Ce que Tigre déplore, enfin, est la description des habitants, locaux ou non. Presque tous des taiseux, qui parlent par monosyllabes – surtout Lawrence, le nouveau p’tit ami de Camille). Franchement on ne croit guère à ces caricatures d’individus taciturnes et soi-disant sages. Ah oui, j’allais oublier : le name droping des villages environnants. Y’en a partout, on dirait un sketche des Inconnus (ou de Groland) : Bourg-en-Bresse (à la rigueur, j’en ai entendu parler), Voudouailles, Terres-Rouges, La Castille, Saint-Victor, etc. Merde, Tolkien avait au moins la décence de publier une carte des contrées où ses sagas se passaient. Trop compliqué de faire un copier/coller de la carte de la région en début de roman Fred ?

…à rapprocher de :

– De la part de cet auteure française, Tigre n’a pas lu grand chose. Sous les vents de Neptune ne m’a pas laissé non plus un grand souvenir.

– Sur une bête mythique qui fout le daroi au sein de la paysannerie rageuse, y’a le Kornwolf, version américaine. C’est dans le titre éponyme de Tristan Egolf. Pas le meilleur de l’écrivain.

– J’ai passé un meilleur moment à regarder le film pourri avec Cassel qui se passe au Moyen-âge, c’est dire…

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EncycatpediaNe vous inquiétez point, cher lecteur, Le Tigre ne va pas vous taper la discute au sujet d’un chaton prisonnier dans une caisse et dont la survie, selon un savant au nom vaguement germanique, dépendrait d’une cantique quonnerie. Pas le genre de la maison, on n’est pas là pour s’instruire. Seulement tenter de se mettre à niveau des félins. Donc très très bas. Préparez les pelles.

Qu’est-ce donc la boîte dans laquelle aime se prélasser mon chat ?

Soit vous êtes un habitué du Tigre donc vous ne me tiendrez peu rigueur de mes répétitions, soit vous êtes tombé au pif sur ce billet et il y a quelque chose que vous devez absolument savoir : si je me suis mis en tête de publier des articles traitant autour du noble animal qu’est le chat, c’est avant tout pour sucrer le trafic internet qui, d’habitude, échoue sur les ineptes bloguoputasseries racontées par les blogueuses trentenaires (et encore). Il faut que cela cesse.

Hélas, mille fois hélas, je suis parfois contraint à utiliser les mêmes armes que les forums d’amis de chatons. L’une d’elle est la photographie, média que Tigre maîtrise autant que Mélanie Laurent son jeu d’actrice – comprenez, je suis une buse. Donner des photos, ça peut toutefois m’éviter quelques lignes d’oiseuses descriptions. Dont acte.

Boite d'un chat

Voici ce qu’est une boîte de chat. Si le gentilé scientifique adéquat serait un « pavé droit en carton », la définition communément admise est la fameuse « caisse à vinasse », voire la « boîte à chaussures ». Il s’agit d’un contenant plus ou moins protecteur dans lequel votre minou a fermement décidé d’établir sa base.

Il peut y rester cloîtrer des heures comme un gland, voire pioncer dedans tel un vampire de série Z. Mais pourquoi cette attirance plus que suspecte ?

Pourquoi mon chat reste dans sa boîte ?

Pour les besoins, on appellera le maton « Shröder ». J’aime bien ce nom dans la mesure où c’est à la fois la contraction de Shrödinger et une subtile référence à un politicien qui, à l’inscat du char (contrepèterie aisée), est un vrai planqué. Tigre a un esprit carré, aussi les quatre raisons de l’adoption de la caissette sont les suivantes :

Premièrement, la chaleur. Les félins, comme tous les mammifères j’ai l’impression, adorent se lover au chaud dans des endroits souvent exigus. J’analyse cela comme une sorte d’irrésistible envie de retourner dans le ventre de sa maman où on était si bien. Une sorte d’irrédentisme du vagin, comme le disait si bien un auteur (en lien). C’est pour cela que la presque poubelle en question sera dans un matériau qui retient bien la chaleur.

Ne vous étonnez pas si Shröder boude la mini-piaule faite d’or ou de marbre que vous lui avez conçue. Ce n’est pas par snobisme ou parce que, d’extraction bâtarde, il se sent indigne de loger dans un tel luxe. Seulement parce qu’il se les pèle.

Deuxièmement, la protection. J’en parlerai dans un autre article, toutefois je peux vous dire que le bide d’un chat (voire son flanc) est une partie de son anatomie la plus fragile. Plus Shröder est gros, plus son ventre blanchâtre ressort lorsqu’il est en position allongée. Or, une caisse dont les côtés dépassent les vingt-quatre centimètres constitue un solide rempart et une impression de sécurité (certes relative).

Tel Le Tigre qui ramasse son savon dans les bains publics, l’instinct du chat est porté sur la paranoïa et l’idée qu’à tout moment une couille peut survenir. Ce sentiment est renforcé lorsque le fauve se sait en position délicate, que ce soit vautré sur le côté ou en train de piquer un roupillon. Soit Shröder se carapate dans un endroit fermé, soit sous votre lit. C’est notamment la raison pour laquelle il convient de placer la box dans un renfoncement, du moins dans un coin d’une pièce de votre logement.

Troisièmement, l’espionnage passif. Paradoxalement, mon Gerh..euh Shröd’ n’aimait pas la caisse que je lui avais amoureusement préparée au fin fond de ma cuisine. C’était pourtant proche de sa gamelle, cependant il ne devait pas y avoir assez d’ambiance selon lui. En effet, le petit félin semble particulièrement friand des spots où plein de monde passe sous ses yeux. Pour preuve, le mien m’a souverainement obligé à mettre son cageot près de la porte d’entrée. Pas con, il peut en profiter pour se barrer en loucedé dès que j’arrive au foyer.

Le chat adore voir s’agiter le bon peuple autour de lui, cela confirme l’idée selon laquelle tout tourne autour de sa petite personne. Même lorsque celle-ci nous fait l’honneur de dormir. A ce titre, et très franchement, ça montre bien que la psyché féline ne dépasse pas le niveau d’un gosse qui rêve de voir son pieux s’envoler et parcourir le monde environnant. A six ans, c’est séduisant, mais à douze, personne n’aimerait être ainsi exposé à la vue de tous en voletant emmitouflé dans sa couette à l’effigie des Chicago Bulls.

Quatrièmement, la chasse. Ça va bien trois secondes d’observer ce qui arrive autour de soi, et à un moment il faut en tirer un profit direct. Cette position de tireur embusqué ne sert qu’à une chose : vous sauter dessus lorsque vous vous ne vous y attendez le moins. C’est pourquoi, d’expérience, lorsque je marche devant Shröder qui est en mode « tigre prêt à bondir », je lui fais comprendre que je l’ai vu en lui babillant des conneries à son attention, en plus de passer à une distance respectueuse. Marcher sur les talons (faire du bruit) est une option également, comme dans le désert pour faire fuir les serpents.

Pour conclure cette partie, ce foutu carton est l’équivalent du « pouce » que vous brandissiez, jeune, lors d’un jeu de main/vilain lorsque vous supputiez la honteuse défaite. Mais comment faire perdre ces qualités à la boîte à chat ?

Comment faire sortir Shröder de sa boîte ?

[Avec un titre pareil, il y a de fortes chances que d’érudit géopoliticiens portés sur les relations Allemagne-Russie tombent sur ce billet. Désolé à eux.]

Mon vétérinaire (qui ne m’aime guère, allez savoir pourquoi), quelques nanas mal embouchées, Brigitte et d’autres idiots contrits me rappellent souvent que cet objet est son sanctuaire, qu’il ne faut en aucun cas lui ôter ce havre de sécurité, que sinon son épanouissement peut être gravement mis en danger, etc… Merde, lâchez-moi la grappe et arrêtez vos jérémiades ! J’ai le sentiment que vous faites semblant d’ignorer que vous tenez votre chat par la couille droite avec sa boîte (la gauche étant tenue par votre pistolet à eau).

Le carton, c’est le principal point faible de Shröder. C’est justement parce qu’il s’y croit en sécurité que toute violation de cet espace doit correspondre à un évènement extrêmement grave. Sinon vous allez l’angoisser plus que de raison. Et qui dit félin angoissé, dit beaux vêtements de pisse tâchés. Néanmoins, il reste loisible de mettre en place un système dit « action/réaction » qui agira comme un basique réflexe de pavlov chez le félin.

Je m’explique : le but est de montrer à mon chat qu’il ne peut impunément pourrir mon propre environnement, sinon je lui déglingue le sien. Shröd’ chie dans ma douche ? Je vomis dans sa boîte. Le chat miaule toute la nuit devant une porte ? J’installe ma chaîne hi-fi à côté de son carton. Il se fait les griffes sur mon costard de qualité italienne ? Je lui brûle les papiers de son antre à l’aide de bougies papales.

A ce rythme, votre fauve comprendra vite qui est le boss. Le petit plus est de nettoyer / réparer / changer son carton concomitamment à la réparation de ses égarements, il y verra sans doute une relation de cause à effet. Vu la taille de leurs cerveaux, ne rêvons pas non plus.

Conclusion mise en boîte

Le titre de ce volume de l’encycatpedia est très large, mais ne doit pas être confondu avec d’autres billets présents (un jour ou l’autre) sur QLTL, notamment : quelle réaction adopter quand mon chat boite ; comment faire entrer le chat dans sa cage avant un voyage ; ou comment dé-boiter le cul de ma chatte (en chaleur).

La leçon principale est que mettre en place un douillet confort pour son animal préféré ne doit pas se faire sans contreparties, autant être aussi intéressé que votre chat. D’ici là, j’espère que vous respectez mes petits cousins comme je le fais.

Félinement votre.

Iegor Gran - L'écologie en bas de chez moiL’écologie en bas de chez moi, c’est un peu l’illustration du Not in my own backyard à la française. Virulent pamphlet à l’humour corrosif où les figures vertes (Al Gore, Nico Hulot, Yann Arthus Bertrand) en prennent plein la gueule, en moins de 200 pages on sent l’auteur qui s’est fait plaisir en ne se posant aucune limite. On en redemanderait presque.

De quoi parle L’écologie en bas de chez moi, et comment ?

Comme le truc est à mi-chemin entre un roman (raconté sous forme d’une histoire avec des protagonistes qui mènent leur bout de chemin) et un essai (de nombreuses réflexions sur l’écologie et ses excès/déboires), Tigre a souverainement décidé de cataloguer cette oeuvre dans les essais biographiques (j’en manque un peu sur QLTL).

Tout commence lorsque le bon héros fait face à la projection du film « Home » du bon Arthus-Bertrand. A partir de là, il se met en mode « climatosceptique » et l’affrontement avec son ami de longue date Vincent prendra une tournure toute personnelle, presque tragique. Les questionnements de Gran vont l’amener à parcourir une France écolo assez gauchisante vis-à-vis de laquelle il livrera son acide avis.

Les chapitres, plutôt courts, mettront en scène un héros plutôt teigneux, qui souvent pousse l’exagération (lorsque ce n’est de la mauvaise foi toute politicienne) bien loin. Mais celle-ci se dispute à une certaine forme de lucidité où, avec une bonne dose d’humour, le narrateur parvient à mettre en exergue les contradictions de notre époque où l’on aimerait bien sauver la planète mais sans trop se départir de notre petit confort rassurant et individualiste.

En effet, ce titre réussit à être à la fois drôle (Le passage sur le salon « Planète durable » est à se taper sur les cuisses) mais infiniment triste lorsque celui-ci nous pointe à la gueule l’hypocrisie contemporaine. Le ton reste toutefois tendre, comme si Iegor, outre le fait qu’il ne cherche pas à retenir ses scuds savamment balancés, sait qu’il appartient à cette race d’Occidentaux prêts à donner des leçons mais sans se mouiller.

Au final, un ouvrage que l’on pourrait penser léger (je ne parle pas de sa taille) à cause d’un humour omniprésent et du sens de la formule de l’auteur, néanmoins ce dernier tape là où ça fait mal, et plus d’un lecteur pourra se sentir coupable (voire con) en refermant le livre.

Ce que Le Tigre a retenu

Iegor mord à peu près tout le monde, voici quelques victimes en vrac :

Le GIEC (le truc qui parle du réchauffement climatiques à cause de l’activité humaine) voit son arrière-train plutôt bien dérouillé ; les caissières de supermarchés Bio également ; les « big companies » dont le green washing est devenu leur honteuse spécialité sont mises à l’index ; le vocabulaire débilitant qui ne veut rien dire (« développement durable », comme si le développement ne pouvait pas l’être) est raillé à souhait ; les bobos aussi en général ; ceux bien médiatisés en particulier : Arthus Bertrand, le dictateur Hulot et Al Gore ont les oreilles qui doivent sacrément siffler, etc.

Au final, Iegor livre une critique plus insidieuse de la manière dont les bien-pensants, avec leurs apparats écoloufoques, peuvent faire mal à la société. On n’est pas loin d’une sorte de néofascisme consensuel où émettre une opinion inverse fait que tous vous tomberont à bras raccourcis (faut voir comment le narrateur est jugé).

Cette notion prend toute sa saveur lorsque nos gouvernements ont l’audace d’expliquer aux pays en voie de développement qu’il faudrait se calmer niveau pollution, sinon la planète ne sera pas jouasse. Or, ces pays ne veulent que nous ressembler (faut dire que nos médias donnent une fière image de notre société de consommation), et sans doute passer du sous-développement à une économie purement verte leur donnera l’impression d’avoir été salement floué.

…à rapprocher de :

– C’est marrant, de Gran, je me souviens surtout de O.N.G.!, alors que celui-ci semble moins bon. Guerre qui fait rage entre deux associations, tout le monde en prend pour son matricule.

– En plus sérieux, y’a l’édifiant (et terrifiant) Saison brune, de Squarzoni.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman via Amazon ici.

Michel Rabagliati - Paul en appartementUn auteur sensible et souvent drôle, un roman graphique d’excellente facture (encore, ai-je envie de dire), une biographie touchante et simple, Paul en appart’ se lit en une petit heure à peine. De la rencontre avec Lucie au premier appartement dans lequel le couple s’installe, c’est hélas trop court. Au moins ça peut se relire un nombre incalculable de fois.

Il était une fois…

La vingtaine plus ou moins tassée (sais pas trop, on est au début des eighties), Paul emménage avec sa petite amie dans leur premier appartement à Montréal. C’est l’occasion pour notre ami de se remémorer quelques souvenirs (études, rencontres avec Lucie) et d’avancer, petit à petit, dans la vie. Tout en discourant sur Tintin (hommage appuyé même).

Critique de Paul en appartement

Autant vous prévenir : j’ai toutes les œuvres de l’auteur aux gros sourcils dans ma bibliothèque. Celle objet du présent billet doit bien être, pour le moment, une de ses plus courtes (à part Paul à la campagne, il me semble). Et la lecture de Michel R. est un plaisir renouvelé, il m’arrive d’en relire de temps à autre, c’est dire.

Cette centaine de pages porte sur une période importante du héros : celle de la fin de ses études et de la prise de son indépendance en tant qu’homme (amoureux). Paul fait ses premières missions en tant que graphique pendant que Lucie, sa copine rencontrée sur les bancs de l’école (qui l’éblouit par ses références de BD), décide finalement d’étudier la linguistique. Quelques instants de bonheur, d’autres moins heureux (la grande tante Jeanne qui clamse un poil trop vite), le quotidien est loin d’être morne et est rendu avec une tendresse formidable.

Si le style est toujours aussi fluide (avec un phrasé québecois truculent), Tigre déplore la taille du roman graphique qui est bien courte. Le dessin, en noir et blanc, est parfaitement adapté et, malgré un trait assez gros, les mimiques des personnages sont superbes. Et je ne parle pas de l’architecture, notamment lors du voyage à New-York, qui est plus que correcte.

Au final, je n’ai pas grand chose à reprocher à Rabagliati sur ce coup là. Le rapport prix / nombre de pages, certes élevé, est vite effacé eu égard le travail de l’auteur qui est dans les petites feuilles tigresques.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

L’éducation. Un presque tiers de ce titre est dédié à Jean-Louis Desrosiers, professeur gay – cela a son importance puisqu’il dragouille le timide Paul. Le prof’ dépoussière la fonction d’enseignant avec ses méthodes, plus particulièrement la possibilité d’avoir des activités extra-scolaires. C’est grâce à cela que Paul et Lucie vont pouvoir se pécho lors d’un séjour à NYC en plus de gagner en créativité.

L’installation. Les premiers petits pépins d’un nouvel appart’ ; le proprio pas con qui envoie un rustre pour réparer quoi que ce soit (du coup, les locataires se démerdent) ; les habitudes qui prennent vie (les passages chez l’épicier Viet sont délicieux), c’est totalement cute (vocabulaire québécois oblige).

Dernier rapport avec l’éducation, la soeur de Lucie laisse de temps à autre ses deux filles au couple. C’est le dernier tiers du bouquin, et faut dire qu’entre la gestion des gamines et la création de souvenirs, en passant par le réveil à six heures trente, ça bouscule (dans le bon sens du terme) les deux tourtereaux (et leur canari). La parentalité, question en suspens à la fin de Paul en appartement d’ailleurs

…à rapprocher de :

– Rabagliati a une jolie collection avec le fort sympathique Paul : Paul à la campagne, Paul a un travail d’été, Paul dans le métro, Paul à la pêche, Paul à Québec, Paul au parc, Paul dans le Nord. Pour l’instant j’espère.

– Le prof un peu « gourou » sur les bords et qui a marqué le protagoniste, je n’oserai formuler de rapprochement avec La Confusion des sentiments, de Zweig (bon, c’est quand même fait), mais plutôt avec le prof du Maître des illusions, de Donna Tartt (classique littéraire à mon sens).

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver cet illustré en ligne ici.

DodécaTora« Salut Titi. Écoute, je suis présentement bloqué dans un endroit un peu chiant. Je ne parle pas du salon du livre, mais c’est comme si. Étant donné que je risque d’y poireauter quelque années, j’aimerais que tu me conseilles quelques bouquins pour supporter Vendredi. C’est vital. Bises. Robinson C. PS : tu n’aurais pas une ou deux catins à me fournir en plus ? Parce que Vendredi… « 

Ceci n’est pas un billet sur les romans les plus longs

Voici un sujet mille fois traité, non, dix mille fois ! Le félin a l’impression, avec cet article, de verser dans un mainstream digne d’un journaleux de La Croix. Je vais tenter de me démarquer de ce petit con en rappelant les paramètres à prendre en compte pour choisir les titres à emporter dans la salle d’attente du médec…sur une île déserte plutôt.

Déjà, et quoiqu’on dise, la taille compte. Le léger d’esprit qui sélectionne Indignez-vous ! parce qu’il adoooore Hessel commet une double faute : non seulement il le connaîtra par cœur au bout de trois jours, mais sa stimulation intellectuelle sera quasiment nulle. A quoi bon relire un essai avec lequel vous êtes en plein accord ? C’est pourquoi il n’y aura que peu de BDs dans ce DDC, le ratio taille/temps passé étant trop élevé.

Ensuite, vous verrez qu’après 4 mois tout seul le besoin de varier les plaisirs littéraires se fait sentir. Le couillon qui, à la question « tu emporterais quoi ? », répond « l’intégrale de Victor Hugo » commet un irréparable impair. Voui, Hugo c’est du bon, mais reparles-en moi après six mois de sa prose. Je mets ma patte antérieure gauche à couper que ça te saoulera plus qu’autre chose et que tu feras des rêves débiles fringué en Cosette à dépoussiérer le palmier qui te sert de pissotière.

Enfin, faut prendre des livres qui donnent envie de les relire. De la littérature qui offre de nombreuses grilles d’analyses possibles, voire des renvois qui offrent une lecture dynamique et atypique. C’est le cas des trucs vaguement religieux permettant de choper une page au hasard, au gré de son envie.

A toutes fins utiles, je vous précise que les choix qui suivent sont les MIENS. Proposez les vôtres, pas de problème. Chier sur les miens, pas content je serai.

Tora ! Tora ! Tora ! (x 4)

1/ Collectif – La Bible

Je suis désolé de commencer par un titre d’une telle trivialité, mais dans mes nombreuses escapades c’est le titre que je prenais par défaut. Il y a toujours quelque chose à découvrir, surtout concernant l’ancien testament. Toutefois, ne vous attardez pas sur l’histoire d’Onan, ça risque de vous décevoir eu égard votre situation.

2/ Madeleine et Georges de Scudery – Artamène ou le Grand Cyrus

Écrit au beau milieu du 17ème siècle, ce roman fleuve accuse plus de 13 000 pages. Putain, y’en a qui ne doutaient de rien à l’époque, ça ne m’étonne pas qu’on ne la trouve pas dans les librairies de France et de Navarre. Ce doit être la plus longue œuvre écrite en Français, et d’après ce que j’ai compris y’a de solides références sur l’époque. Avec Artamène & Co vous serez calé sur une bonne partie de la Renaissance. Apparemment le titre est dispo sur le web, toutefois ne comptez pas sur moi pour vous en faire un résumé.

3/ Léon Tolstoï – Guerre et Paix

Après le 17ème siècle, enivrez-vous donc des délices de la campagne napoléonienne vue du côté russkof. Le fauve en parle avec d’autant plus d’aisance que jamais je ne compte lire un tel pavé. Du moins pas avant d’atteindre 60 berges. Dans le même genre, si on accepte les sagas sur l’île, je prendrai volontiers celle des Rougon-Macquart du gros Zola en personne.

4/ Xavier Maniguet – Survivre : comment vaincre en milieu hostile

Bon, à un moment, c’est bien beau de se palucher la nouille avec des belles lettres, toutefois faut bien rester en vie non ? Des tas de titres de survie ont été publiés, mais après avoir demandé à un pote aventurier, le titre de Xavier M. semble être le classique sur lequel se repose tout Robinson en herbe. Obligatoire donc.

5/ Charles Baudelaire – Les Fleurs du mal

A titre personnel, voilà bien un bouquin que j’emporterais. Déjà, je ne suis que peu porté sur la poésie. La faute à l’éducation nationale qui m’a contraint d’apprendre par cœur quelques textes avant même de tenter de me les faire aimer. Ensuite, je me dis qu’avec le bon Charles, y’a moyen de découvrir une foultitude de sous-entendus et autres astuces à chaque lecture. Enfin, pouvoir déclamer n’importe lequel de ces vers, de tête, c’est la classe. Et qui dit classe, dit drague plus facile.

6/ Peter F. Hamilton – L’aube de la nuit

Cela manque de SF en effet, voici de quoi être content. Tigre vous parle d’une saga monumentale qui peut se relire tellement il y a d’intrigues et de protagonistes. En rajoutant le recueil de nouvelles A Second Chance at Eden, le naufragé sera tranquille pendant quelque temps.

7/ Guillaume Appolinaire – Les Onze mille verges ou les amours d’un hospodar

Bon, à un moment donné, manger et boire à satiété et se remplir le cerveau de belle littérature n’assurera pas le remplissage d’une case de votre pyramide de Maslov. Le temps passant, votre imagination en terme de sexualité s’effritera, et sans internet ni animaux à la ronde il sera délicat de satisfaire quelques besoins charnels. Si Le Tigre a choisi ce titre, c’est que Guillaume traite de nombreux aspects de la sexualité : porno, géronto, pédo, vampirisme, name it ! Pour toute les bourses en fait (hu hu).

8/ L. Ron Hubbard – Mission Terre

Je ne sais pas pour vous, mais un gus qu’est récemment parvenu à fonder une sect..(euh pardon Monsieur Cruise) une religion, ça force quelque part le respect. Rien à voir avec cette lopette de Raël qui fait trop mythomaniaque de supermarché à côté hein, là on parle d’un auteur de SF qui, en l’espace de quelques années, a tout simplement pondu dix lourds tomes pour un total de plus d’un million de mots. Connaissant de loin les préceptes de la Scientologie, ça peut être fandard de le lire tranquillement sur le sable.

9/ Marcel Proust – A la recherche du temps perdu

Encore un roman d’une taille indécente il est vrai. Ne croyez pas que je les sélectionne rien que pour meubler, il n’en est rien. La saga du père Prout (A la recherche du vent perdu, dixit San-Antonio), c’est un peu le genre de titres que jamais je ne parviendrai à lire depuis que j’ai sévèrement buté sur le premier opus (malgré la renommée dont celui-ci jouit). Ce serait donc bien un livre que j’emporterai, à défaut de pouvoir lire autre chose.

10/ N’importe quel livre de cuisine bien fourni

Juste pour avoir la rage. Et accessoirement faire de beaux rêves. Et être capable de préparer n’importe quel truc qui vous tombe sous la main.

11/ Daniel Defoe – Robinson Crusoé

Vous attendiez cette référence, avouez. Avec 400 pages, il y a fort à parier que vous aurez trop vite terminé ce titre. Cependant, j’imagine que la situation (être perdu en attendant qu’un internaute vous repère via une mise à jour de Google Earth) fait que le bouquin de Defoe peut être lu et relu des dizaines de fois. Ce sera toujours bon pour le moral, étant donné que le héros reste près de 30 ans sur cette foutue île.

12/ Bernard-Riri Lévy – Qui a tué Daniel Pearl ?

Tigre termine toujours sur une connerie, et là ce n’est pas moi qui ai commencé (pour une fois). C’est le seul titre de ce philosophe (chacun jugera) que j’ai dégoté qui dépasse les 500 pages. Prévenez-moi si y’a plus long. Car la taille compte toujours, surtout quand vous êtes à court de feuilles de palmier pour vous torcher.

…mais aussi :

– En fait, n’importe quel bouquin religieux pourrait faire l’affaire. Mais alors prenez-les tous, car le Coran seul (par exemple), c’est bien trop court. Et puis faut maximiser ses chances, au cas où une religion en particulier prend le contrôle du monde pendant que vous cramez comme un con au beau milieu de l’océan pacifique.

– Les essais politiques et économiques, au cas où : Marx, Adam Smith, prenez les tous et imaginez des confrontations entre les auteurs.

– Comme on me l’a suggéré, L’hippopotame et le Philosophe de Théodore Monod peut se relire à l’infini tellement on y apprend des choses.

– Une solution intermédiaire, que je n’ai pas développée ici (un autre jour, qui sait), serait de demander, plutôt que des romans, 12 000 pages blanches et des milliers de stylo bic. Puis mettez-vous au boulot. On n’est jamais mieux servi que par soi-même.

Collectif - Fin(s) du MondeSous-titre : 20 récits pour en finir avec l’Apocalypse. Maison d’édition indépendante aux artistes aussi créatifs que subversifs, Tigre s’est fait plaisir à lire un recueil sur un sujet mille fois abordé. Beaucoup de textes courts et bons, quelques uns plus longs et enchanteurs, il faut convenir que la fin du monde, souvent traitée de manière originale, se porte plutôt bien.

Il était une fois…

Tigre aime bien les AFA (voilà pour l’aspect subjectif), car ils contraignent le félin à réfléchir à comment résumer un mélange d’autant de textes. Si j’ai traité globalement leur deuxième recueil (cf. tout au bas du billet), ici ce sera quelques lignes pour chaque nouvelle. Je ne parlerai pas des illustrations hélas, ça fait déjà un très long article.

Critique de chaque texte de Sales Bêtes !

Émancipation (Southeast Jones au texte, StanleyGrieves au dessin) :

Un agoraphobe qui vit reclus et remarque qu’il n’y a plus personne. Délicieusement écrit, trop bref, le lecteur restera sur sa fin néanmoins.

Bibliophobia (Mathieu Fluxe au stylo, Xavier Deiber au pinceau) :

Un petit bijou où il est question de secte et de suicide plus ou moins collectif, raconté par les souvenirs d’un gosse amoureux et idiot. 5 pages à peine, ça passe fort vite.

Ma fin du Monde (Vincent Leclercq) :

Deux pages poignantes sur un sujet assez bateau cependant, c’est zappable. [désolé Vinc’]

Canicule (Adam Roy au clavier, Christophe Huet au crayon) :

Si le style et riche et fait appel à beaucoup de sens, je n’ai pas gardé un grand souvenir de l’intrigue. Dommage. Presque un exercice de style.

De terre et de sang (mots du bon Herr Mad Doktor, traits dessinés d’Ana Minski) :

Une fin du monde crédible (sinon inéluctable), le lecteur appréciera le travail effectué, notamment l’ambiguïté savamment entretenue au cours de l’agonie d’une vieille dame. Malgré une légère dose de cynisme (mâtinée d’une poésie certaine, chapeau), ça fait prendre du recul sur notre condition d’espèce gaspilleuse.

Clic ! (Southeast Jones) :

Une page. Si SJ n’avait pas écrit d’autres textes, je l’aurai traité de feignasse. Sympathique sinon.

La prophétesse (écrit par François Ali Wisard, illustré par Minuit57) :

Correctement rédigé, je craignais de lire une histoire prévisible à la Paycheck. L’auteur a évité ce récif pour un dénouement assez fin et bien amené.

Noxos (Aurélien Clause à l’écriture, Nicky à la dessinature) :

Alors là je suis emmerdé : je n’ai quasiment rien bité au scénario (s’il y en a un), toutefois le style poético-mystérieux est agréable à lire (mais seulement au début). Un talent indéniable, ça ne suffit pas.

Contrat (Southeast Jones encore et illustré par Nicky encore) :

Si le rapport avec la fin du monde est ténu, faut dire que Southeast Jones a imaginé une remarquable histoire d’un homme qui conclut un pacte avec le diable. Le vocabulaire, résolument moderne et humoristique, laisse place à un désespoir et à une prise de hauteur (dans tous les sens du terme) remarquables.

Je meurs comme j’ai vécu (écrit par Vincent Leclercq, dessin de Christophe Huet) :

Pour une fois que le thème suranné des zombies est intelligemment traité (notamment en fin de texte), il est dommage que quelques longueurs émaillent la nouvelle. Au moins quelques passages arracheront un infini sourire à plus d’un lecteur.

Le carnaval de Cobalt, (Ludovic Klein au stylo bille, Gwendal au crayon couleur) :

Putain, le père Ludo K. m’a bien mené en bateau, je n’ai pas tout de suite compris de quoi il s’agissait (pourtant le dessin est sans appel). Je ne spoilerai pas le double scénar’ portant sur une drogue aux effets surprenants…

L’Apocalypse selon le Prince Jean, (Vincent T. auteur/illustrateur), suivi de Souvenirs (dont je ne me souviens plus hélas) :

L’idée est marrante, cependant plus le temps passe, plus le scénario perd de sa superbe. Pour une fois qu’il a deviné de qui il s’agissait dès le début, Tigre est content.

Youpi, on va tous mourir ! (Marie Latour écrit, Sébastien « Stab » Bertoa dessine) :

Tout en légèreté, la fin du monde réjouit la populace qui enfin ne pense plus à la crise. La fin est mignonne comme tout, je me suis régalé.

Khao-Okh (Ana Minski qui écrit et illustre, quelle polyvalence !) :

Assez bizarre en fait. De bonnes idées, toutefois c’est un poil fouillis pour Le Tigre. Il n’est pas vraiment question de fin du monde, seulement la fin de la dignité de l’Homme qui doit se nourrir de ses semblables. Pas tout compris, zut alors.

Crises tentaculaires (Herr Mad Doktor encore, illustré par Xav’ Deiber) :

HMD s’est essayé à la prose en alexandrins (enfin si on n’est pas trop porté sur le comptage). Et ce réappropriation du mythe de Cthulhu (à la sauce gay en plus) est à se taper sur les cuisses, on ne voit pas le temps passer.

Le club de la fin du monde (Maniak au script, Kenzo Merabet aux pixels) :

Maniak mérite bien son nom, il fallait que quelqu’un tapine du côté des orgies sataniques. Check. Le dénouement, assez prévisible, est en-deçà de mes espérances.

Clic 2 : Le Blouglou (Ludovic Klein, encore) :

Une page, petit exercice visuel qui ne casse pas trois pattes à un félin.

Fin d’un monde (par Corvis, et illustré par deadstar44 et Minuit57) :

J’ai l’impression que l’éditeur garde souvent le meilleur pour la fin. Un scénario prometteur dans un huis clos au milieu de l’espace, et un dénouement majestueux qui m’a incité à reprendre la lecture depuis le début. Eros et Thanatos bien réunis dans une fable de SF, rien à redire.

  (Southeast Jones) :

Deux petites pages sur le fameux 21 décembre 2012 pour un final à plusieurs lectures. SJ écrit toujours aussi bien. Comme pour les deux Clics, cette histoire a le mérite d’être amusante et bien écrite.

En conclusion, après avoir été soufflé par Sales Bêtes !, je n’ai pas autant pris mon pied. Résumer un par un les nouvelles est délicat, j’ai eu l’impression de distribuer des bons et mauvais points. Toutefois j’invite les auteurs à ne pas prendre personnellement mes critiques, dites vous que je suis jaloux comme un tigre. Et que Fin(s) du Monde est le premier recueil des AFA, et pour un début c’est plus que prometteur. Quant aux illustrations livrées en début de texte par de talentueux artistes, une excellente idée.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Je m’aperçois qu’il est dur de relater, en deux lignes, toute l’étendue et la beauté d’un texte. Mais comme souvent pour les nouvelles, et à plus forte raison avec ces auteurs en particulier, le mystère fait partie intégrante de presque tous les scénarios. Les retournements de situation sont légion, et le lecteur joueur pourra s’amuser à deviner qui est le narrateur ou de quel genre de fin du monde il est question. D’où la partie du titre « fin(s) », car selon l’écrivaillon (c’est affectueux comme terme chez Le Tigre) les origines du mal seront plus ou moins catastrophiques.

Ce qui m’a frappé, et la préface l’évoque à juste titre, est que la fin du monde est une affaire personnelle. Apocalypse = disparition de sa petite personne en fait, et c’est très probablement vrai. Il est souvent question de terminus car un individu, un groupe, voire notre misérable espèce est en grand danger. Mais la vie continue ailleurs, au final on semble être dans la vision shakespearienne du monde en tant que globe composé d’êtres humains bavassant et s’agitant dans tous les sens (oooooh, c’est profond ça). D’où l’humour souvent cynique transpirant du recueil.

…à rapprocher de :

– De cet éditeur doux-dingue, la suite intitulée Sales Bêtes ! est d’une rare qualité, ça m’a profondément ravi. Y’a de sacrés progrès accomplis. Contes marron (premier volume) est une friandise à découvrir d’urgence (tout comme le premier opus des Contes Rouges), et Folie(s) est globalement correct. Quant aux Contes roses, petite déception. Même topo avec L’Homme de demain, mitigé.

– Question « fin du monde », allez donc lire Le monde enfin, de Andrévon. Bueno.

– Le Tigre a cherché partout, et est fier de vous annoncer qu’il a le seul site où il est question, deux fois, d’un viol dans l’espace. L’avant-dernière nouvelle ici, l’autre étant dans le roman Gradisil (du bel ouvrage).

– Le texte de Marie Latour m’a rappelé la dernière nouvelle de Chuck Palahniuk dans A l’estomac, où tout le monde il est content de se suicider.

Enfin, si vous souhaitez juger de la chose par vous-même, c’est disponible en téléchargement (gratos bien évidemment) sur le site de l’asso (en lien).

Mark Z. Danielewski - La Maison des feuillesVO : House of leaves. Comment dire ? Génial et improbable, violent et parfois insupportable, Tigre comprend que l’auteur américain a mis dix piges pour pondre cet OVNI littéraire. Sous couvert de l’exploration d’une baraque labyrinthique et piégeuse (cf. la couverture, presque une toile d’araignée), ce roman est l’alpha et l’oméga de la puissance de la littérature.

Il était une fois…

Johnny Errand, grâce aux bons soins de son pote Lude, récupère un curieux livre chez un aveugle clamsé, Zampano. Ce dernier a écrit un essai sur un film documentaire bien particulier intitulé The Davidson Record. Il s’agit de leur expérience quand la famille de Will Davidson (sa magnifique épouse et les deux gosses) emménage dans une maison en Virginie. Et la mansarde a tout d’une maison hantée dans la mesure où une pièce y paraît infinie.

Critique de La Maison des feuilles

En ouvrant ce roman, j’ai su tout de suite que j’allais avoir une expérience littéraire unique et violente. Ouvrir une page au hasard, et forcément quelque chose cloche. En effet, ça entube les conventions sans arrêt, comme si l’auteur voulait tout tenter, tout faire, en une seule œuvre. Non seulement ça pique les yeux d’un point de vue graphique (même pour un roman), mais en plus la forme est indissociable du fond.

On distingue deux scénarios intimement liés : Davidson, d’une part, qui s’entête à explorer une pièce infinie de sa maison achetée en Virginie. Cela commence par remarquer que l’intérieur est plus grand de quelques mm de l’extérieur, puis il découvre une porte menant à un couloir noir comme le trou du cul du diable, et se décide à faire appel à Holloway (un explorateur professionnel) et son équipe.

Johnny (qui bosse dans un salon de tatouage), d’autre part, lit l’essai en rapport avec la vidéo et donne ses impressions. Sauf que plus il avance dans la lecture, plus il semble perdre la boule. Ce protagoniste a beau mener une vie dissolue (gringues monumentales, baisouille un peu partout), les hallucinations et son état empirant n’ont rien à voir avec les drogues qu’il s’administre.

La perfection n’est pas de ce monde, cependant dans La Maison des feuilles je me suis demandé si l’auteur n’a pas sciemment provoqué quelques défauts. Le rythme de lecture, déjà, est imprévisible. On peut peiner trois heures pour avancer de soixante pages (en lisant tout) comme en parcourir une trentaine en trois minutes. Malgré la richesse du vocabulaire, le félin a plus d’une fois eu l’impression de tourner en rond. L’histoire du minotaure, la psychologie sous tous ses angles, un pauvre choix de mot, tout est bon pour que Zampano digresse dans les grandes largeurs et nous abreuve d’interminables et verbeux enseignements.

En conclusion, une claque littéraire que le félin a appris à détester tellement La Maison des feuilles m’a fait perdre du temps parfois. Si j’ai déploré un tarissement de l’intérêt de l’intrigue vers la 400ème page, j’avoue qu’un ouvrage tel que celui-ci est tout bonnement unique. Et impossible à mettre en page dans un format de poche.

Applaudissements nourris enfin pour Claro qui s’est attelé à la traduction qui semble respecter le délire ambiant, le mec a dû passer de sacrés nuits à bûcher comme un moine dans sa cave.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Il faut avouer que le terme « roman d’horreur » peut qualifier en premier lieu ce que je viens de lire. Sauf que ça va au-delà de la stricte épouvante (la maison qui fait des siennes), il y a tout un univers développé autour dont même le gros Stephen King (invoqué d’ailleurs dans la Maison des Feuilles) ne parviendrait pas à rendre compte. L’horreur, ce n’est pas que cette maison ou les errements de Johnny Errand, c’est également le labyrinthe narratif qui perdra plus d’un lecteur. Tigre n’a jamais fait autant d’allers et de retours en lisant un roman, et jamais le félin n’a autant cru perdre le fil narratif avant que ce dernier ne se rappelle violemment et clairement à lui.

Puisqu’il faut bien en parler à un moment, c’est la forme qui fait de ce quasi chef d’œuvre toute sa force. Il y a trop à dire, toutefois voici quelques exemples : le mot « maison » (et ses traductions) invariablement écrit en bleu ; des textes en langues étrangères ; lecture à l’envers qui force à retourner l’objet dans tous les sens (comme si je n’avais pas assez l’air con dans les transports) ; des centaines de typographies et de polices d’écriture différentes, etc. On ne peut rêver mieux comme hommage au cinquième (c’est bien ce foutu numéro ?) art.

Mark D. (désolé, son nom est trop complexe) en profite pour se foutre allègrement de la gueule des us et coutumes des ouvrages académiques. Les textes dans de nombreuses langues, traduits à la va-vite, ça fait marrer. Y’a même des notes de notes de notes de bas de page, imaginez ! Mais l’histoire même de Johnny, livrée justement via des notes de fin de pages, sont désopilantes au possible. Celle-ci aurait alors la même valeur que d’autres notes « académiques », qui ne sont que des références improbables et inouïes. Florilège : Nupart Jhunisdakazcriddle et son tuer mal, mourir sage ; un snuff movie intitulé La Belle Niçoise et Le Beau Chien (qui n’a jamais existé, mais ça donne envie de vérifier), etc. J’ai rapidement tenté de savoir si quelques références existent, la réponse est niet.

La question en suspens, reste bien « mais comment lire ce roman ? ». Le Tigre, en élève poli et taiseux, a essayé de tout lire au début. Putain, presque tout. Et il est impossible de s’y tenir, entre des pages de noms de famille, des centaines d’exemples de bâtiments, des passages en hébreux ou d’autres inventaires qui ne servent à rien. Car Mark D. m’a appris, malgré moi, à ne plus regarder les notes de bas de page et à séparer le bon grain littéraire de son ivraie délirante. Apprendre à reconnaître ce qui importe dans un texte de ce qui est pur verbiage, voilà une autre leçon de maître à l’efficacité troublante.

Au risque de passer pour un illuminé, cette fameuse maison se rapproche le plus de ce que certains appellent « Dieu ». Quoiqu’il en soit, Mark Z. Danielwski a un grain. Que je soupçonne d’être extrêmement gros d’ailleurs. Merci à lui.

…à rapprocher de :

Je n’ose comparer ce monstre à un autre roman qui ne le mériterait pas de toute façon. Néanmoins, sur les romans profondément bizarres, Tigre peut vous renvoyer vers un billet spécialement dédié à cette catégorie.

– Tiens, juste pour les notes de bas de page idiotes et qui renvoient à n’importe nawak, il y a l’essai de FBL sur Georges-Guy Lamotte.

– Dans la catégorie des livres extrêmement exigeants, il faut signaler Confiteor, de Jaume Cabré, que je n’ai pu terminer – et à relire dès que je m’en sentirai capable.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce monstre en ligne ici.